N°189

Jean-Paul Didierlaurent

Au diable vauvert, 2014, folio 2016

193 pages

Un jeune homme est employé dans une petite usine de traitement des déchets spécialisée dans la destruction des livres. Pendant le trajet en RER entre chez lui et l’usine, il lit à haute voix les quelques pages qu’il a pu sauver de la machine. Un jour il trouve dans le RER une clef USB dans laquelle est consigné le journal intime d’une dame-pipi. Il en tombe amoureux en le lisant et commence des recherches pour la retrouver dans les centres commerciaux autour de Paris.

Le liseur du 6h27 est une histoire légère, un divertissement. C’est aussi une fable sur l’amour dans le cadre de la banlieue parisienne. Peuplé de personnages truculents comme le gardien de l’usine qui ne parle qu’en alexandrins, l’ouvrier à la retraite qui a perdu ses jambes dans la machine ou bien les sœurs de la maison de retraite devenues fans du liseur en l’écoutant dans le RER, et d’agréables trouvailles plutôt cocasses et allègres, comme le poisson rouge nommé Rouget de Lisle, ce texte se laisse lire avec plaisir.

J-P. Didierlaurent écrit comme Marc Carot et Jean-Pierre Jeunet font du cinéma. Le Liseur du 6h27 possède les côtés baroques et mécaniques de Delicatessen et les aspects romantico-fleurs bleues du Fabuleux destin d’Amélie Poulain. C’est un texte précis et poétique. Il en résulte une lecture agréable et distrayante.

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Extrait:

« C'est droit comme une épée, un Alexandrin, lui avait un jour expliqué Yvon, c’est né pour toucher au but, à condition de bien le servir. Ne pas le délivrer comme de la vulgaire prose. ça se débite debout. Allonger la colonne d'air pour donner souffle aux mots. Il faut l’égrener de ses syllabes avec passion et flamboyance, le déclamer comme on fait l'amour, un grand coup d'hémistiches, au rythme de la césure. Ça vous pose son comédien, l’alexandrin. Et pas de place pour l'improvisation. On ne peut pas tricher avec un vers de 12 pieds, petit. » À 59 ans, Yvon était passé maître dans l'art de les décrocher. Déployant son mètre quatre-vingt-cinq, le gardien était sorti de sa guérite :

Nombreux sont les livreurs qui affrontent mon courroux.

Arrivez donc à l'heure et vous me verrez doux.

Livrer ce chargement, quittez cet air hagard,

Effacez le tourment qu'a causé ce retard.

Tachez à l'avenir de respecter l'horaire,

Ne laissez pas tarir ma patience légendaire.

Quelle que soit l’heure passée, il n'est plus grand outrage

Que de réceptionner un nouvel arrivage.

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Eléments biographiques :

Jean-Paul Didierlaurent est né en 1962 dans le Vosges. Après des études de publicité, il travaille chez Orange. Parallèlement il écrit des nouvelles qu’il présente à des concours. Il gagne un premier prix en 2010 puis un autre en 2012. En prenant un congé sans solde, il écrit un premier roman, publié en 2014, Le liseur du 6h27, qui connait un vif succès. Un second roman est paru en 2016.