N°559

Philibert Humm

Roman fleuve

Éditions des Équateurs / Humensis 2022, folio 2024

289 pages

Equateurs / Humensis - une semaine, un livre (eklablog.com)

Trois jeunes aventuriers partent en pirogue depuis Paris pour rejoindre la mer. Sur leur chemin, ils rencontreront de nombreux problèmes mais aussi des gens formidables.

Roman fleuve est le récit, présenté comme une histoire vraie, de la descente de la Seine par trois jeunes gens en mal d’aventure. Tout au long de leur périple, l’auteur narrateur raconte en détail les mésaventures, rencontres et autres péripéties qui rythment leur quotidien. Même si leurs aventures sont au centre du récit, il ne néglige pas de donner des informations sur les lieux traversés, leur histoire, les personnages célèbres qui y ont vécu et sur la nature environnante.

Au-delà de l’intérêt de cette description de la campagne, des villes et des villages vus depuis le fleuve, ce livre vaut surtout pour les réflexions de l’auteur et pour son style. Philibert Humm pratique l’auto-dérision et l’humour au second degré. Ce livre est avant tout très drôle. Chaque péripétie, chaque évènement est l’occasion d’une digression sur le courage, la vertu, la peur, la désolation, bref, les sentiments humains, exprimée avec un humour décapant. Riche de références diverses, de Victor Hugo à Sylvain Tesson, Roman fleuve est une surprise permanente, un texte original, plein d’inventions, tout en gardant le style classique, voire le vocabulaire, des récits d’aventure du XIX^e siècle, alors que le sujet lui-même n’est pas d’un grand exotisme, comme par exemple l’usage des descriptions en tête de chapitre: Le sens du courant. – Étude et documentation. – Se méfier des libraires goguenards et le cas échéant les prendre en grippe. – Informations relatives au débit de la Seine. – Faune, flore et bactéries E. Coli.

Philibert Humm s’est sûrement bien amusé en écrivant son récit, au moins autant qu’en descendant la Seine avec ses deux compagnons marins d’eau douce. On s’y amuse également tout en reconnaissant le talent de Philibert Humm pour son sens de la formule et son humour parfois potache, parfois décapant ou décalé, digne de la tradition des humoristes intellectuels français.

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Philibert Humm est né en 1991. Il est journaliste et écrivain. Il a travaillé au service culture du Figaro et est actuellement reporter à Paris-Match. Il a écrit quatre livres. Son dernier livre, Roman fleuve, a obtenu le prix Interallié en 2022.

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Extrait :

Limite de navigabilité du Pass Navigo. - Confins du monde civilisé. - Premier chavirement.

Mantes-la-Jolie constitue la limite de navigabilité du Pass Navigo. Au-delà, l'usager des transports publics doit s'acquitter d’un supplément. Pour les Franciliens que nous étions, l’écopier, le major et moi-même, Mantes-la-Jolie représentait donc une frontière, la limite du monde connu et reconnu. D'une certaine manière, Mantes constituait les confins de la grande agglomération civilisée. L'aventure, la vraie, allait débuter. J'en avisai l'équipage :

– Jusqu'à ce jour, messieurs, nous voguions en terra cognita. Les territoires que nous allons désormais traverser ne figurent pas sur les cartes de la RATP (Régie autonome des transports parisiens). Après Mantes, il ne sera plus temps de renoncer. Si l'un de vous se sent fébrile, s’il hésite à continuer, je préfère le savoir maintenant. Personne ne vous jugera, sinon l'Histoire. Une dernière fois messieurs je vous le demande : êtes-vous parés ?

Je ne m'attendais pas à ce qu'ils s’exclamassent en jaculation – mes hommes sont pudiques – mais j'escomptais ne fût-ce qu'un semblant de clameur. Un murmure d'enthousiasme m'aurait suffi.

Adrien renifla.

« Quand est-ce qu'on mange ? » demanda Waquet.

Hors de propos, la réflexion du major n'en était pas moins sensée. Quand on s'apprête à cingler vers le grand large mieux vaut être avitaillé.