• Les Eaux du Danube

    N°560Les Eaux du Danube

    Jean Mattern

    Les Eaux du Danube

    Sabine Wespieser Éditeur 2024

    109 pages

    Sabine Wespieser - une semaine, un livre (eklablog.com)

    Un homme tranquille, la quarantaine passée, pharmacien de profession, est troublé par une discussion avec le professeur de philosophie de son fils qui porte le même nom, d’origine hongroise, qu’un ami de sa mère d’origine hongroise elle aussi.

    L’histoire se passe à Sète. Le narrateur y mène une vie bourgeoise sans problème : une charmante épouse, assez indépendante pour que la vie ensemble se déroule sans problème, un fils lycéen curieux et sympathique. Une discussion avec le professeur de philosophie de son fils, une absence de sa femme et une rencontre avec une veuve écossaise en villégiature vont déclencher une remise en question et provoquer des découvertes importantes. Est-il heureux dans cette vie toute réglée, à quoi aspire-t-il, quelles sont vraiment ses origines, aime-t-il sa femme, est-il le père de son fils ? Les Eaux du Danube raconte une introspection. Par petites touches, le lecteur suit le narrateur dans ses découvertes, dans la compréhension d’un certain nombre de signes et dans sa progression vers d’autres questions. Parfois, il reste derrière lui, parfois il lui semble qu’il comprend avant le narrateur… Comme dans Les Disparus de Daniel Mendelsohn (une semaine un livre n°451), mais avec une belle économie de moyen – Les Disparus compte plus de 600 pages –, c’est la question de l’identité et de la filiation qui est centrale dans ce roman.

    Les Eaux du Danube est un texte très maîtrisé ; pas une ligne de trop ; une langue simple, directe et efficace qui va droit au but dans cette histoire pourtant compliquée qui plonge dans les méandres du passé de l’Europe centrale au XXe siècle. Jean Mattern tire les fils de son récit très habilement, apportant les éléments petit à petit. Lire Les Eaux du Danube, c’est pénétrer tout en douceur dans l’âme et la pensée d’un homme moderne et banal, légèrement dépressif, et qui se trouve à un moment de sa vie où affleurent des questions existentielles.

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    Les Eaux du DanubeJean Mattern est né en 1965 dans une famille originaire d’Europe centrale. Après des études de littérature comparée à la Sorbonne, il travaille d’abord chez Actes Sud, ensuite chez Gallimard, puis chez Grasset comme responsable du domaine étranger, et est aujourd’hui directeur éditorial des éditions Christian Bourgois. Il a écrit un essai et huit romans, dont sept ont été publiés chez Sabine Wespieser et un chez Gallimard.

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    Extraits :

    J'ai passé ma vie à éviter les sensations fortes. Question d'éducation. Pas d'alcool, pas de saut en parachute, pas de voiture de course. Pas d'aventure non plus. Même le sexe m'ennuie. Parfois tout m'ennuie d'ailleurs, je crois. J'attends que ça passe. Je ne sais pas pour autant ce que « ça » signifie. À la pharmacie, la plupart du temps, je fais semblant d'aimer mon travail. Les journées ne sont jamais les mêmes, c'est vrai. Les clients font preuve d'une étonnante capacité à poser des questions différentes, à vouloir de nouvelles solutions à leurs problèmes qui n'en sont pas, jour après jour – mais, pour moi tout cela revient au même : j'attends que l'horloge fixée au-dessus de la porte affiche dix-neuf heures. Non que je fasse des choses extravagantes ensuite, une fois que j'ai baissé le rideau et fermé l'officine à double tour. C'est plutôt comme arracher une page de ces éphémérides que nos grands-mères accrochaient dans leur salon. Avec un sentiment de contentement et ce soupir qui voulait dire « Ça y est. Une autre journée passée ». Depuis l'entretien avec le professeur de philosophie de Matias, je n'arrive plus à ressentir ça. L'heure ne tourne plus comme avant. Quelque chose s’est déréglé et cela me tracasse.

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    « Si je puis me permettre, sans outrepasser mon rôle de professeur, bien sûr, j'aimerais vous dire, en toute simplicité, mon impression. Vous savez, à cet âge-là, pour un garçon comme Matias, les cours de philo peuvent soulever beaucoup de questions qu'on pourrait qualifier d'existentielles. Et par glissement – car, dans le fond, ça n'a rien à voir avec ma personne –, un pauvre professeur comme moi en vient à représenter une possibilité de dialogue, rien de plus. Et il a donc voulu me confier un certain nombre de choses, sur ses désirs, ses envies. Et ses craintes, liées à tout cela. Je crois qu'il a besoin de votre écoute bienveillante. Voilà tout ce que je voulais vous dire. Votre fils est un jeune homme formidable. »

    Et à ces mots, ma poitrine s'est comprimée.

    Quelques jours plus tard, c'était la fin de l'année scolaire, et Madeleine était partie à Lyon avec Matias comme tous les ans. Puis cette Écossaise est passée à la pharmacie.


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