• Cet été-là

    2016-49  

    Cet été-làWilliam Trevor

     

    Un article du  Monde des livres, annonçant la mort de Trévor, le présentait comme d'un grand auteur de nouvelles. En l'absence de nouvelles, j'ai pris ce roman à la bibliothèque.

     

    TREVOR, William, Cet été-là (2009), traduit de l'anglais d'Irlande par Bruno Boudart. Lausanne, Phébus littérature étrangère. 2012. 252 pages.

    Le narrateur, qui endosse sans réserve sa position de créateur omniscient, situe clairement ses personnages dans l'espace et dans le temps, en Irlande, « un soir de juin, quelques années après le milieu du siècle dernier » (9).

              À Rathmoye, un inconnu se fait remarquer : il prend des photos à l'enterrement d'une femme du village. Il excite particulièrement la curiosité de Miss Connulty, fille de la défunte, qui a noté l'échange verbal entre l'inconnu et Ellie Dillahan, seconde épouse d'un fermier. Il s'agit de Florian Kilderry, fils unique d'un couple d'artistes anglo-italien, qui est en train de vendre la propriété de son enfance, Shelhanagh, afin d'honorer les dettes de ses parents disparus. Et, effectivement, de rencontres fortuites en rendez-vous acceptés, de promenades dans la campagne resplendissante en invitations dans la propriété déjà vendue, Ellie finit par s'avouer son amour pour  Florian, qui la trouve « aussi ravissante qu'une orchidée » (78), selon la formule employée par son père au sujet de sa cousine Isabella. Les deux jeunes gens sont entourés de personnages secondaires très justement plantés, tels Orpen Wren, ancien bibliothécaire des St John, à l'esprit égaré,  Joseph Paul Connulty et sa secrétaire, Bernadette O-Keeffe qui ne prennent pas conscience d'eux-mêmes, Dillahan et sa rumination autour de « l'accident » qui lui a enlevé sa première épouse et leur enfant, sans compter Miss Connulty.

              Le livre, écrit avec beaucoup de délicatesse, sotto voce, rend magnifiquement l'atmosphère de l'époque, celle précédant la libération des mœurs, lorsque l'amour était encore un péché. Cette écriture elliptique d'une grande pudeur et d'une grande intensité, est aussi très musicale, en mode binaire, basée sur le motif et sa résonance : la vente de Shelhanagh renvoie à la chute de la maison St John, Ellie à Isabella, premier amour de Florian, ou encore le destin de Miss Connulty, qui joue la pythie, semble préfigurer celui d'Ellie, le passé étant toujours intégré au présent. De même, les pensées qui agitent les protagonistes forment un contrepoint aux conversations menées ou aux tâches accomplies. Quelques touches d'humour, quelques échappées sur la vie du village aèrent la narration.

              Et, la douceur et les yeux gris-bleu d'Ellie planent dans l'air une fois le livre refermé.

    .....

     Citation

              «  À l'étage, il circula d'une pièce à l'autre, inventoriant ce qui serait à même d'intéresser les marchands. (…) Mais même s'il ne restait guère de meubles, on voyait encore ça et là quelques témoignages de la splendeur passée de la demeure. Les tableaux qui jadis avaient égayé les murs n'étaient désormais plus qu'une nuance plus profonde du papier peint; pourtant, chacune de ces traces évoquait un souvenir gravé dans l'esprit de Florian. Les aiguières et leurs cuvettes à fleurs, les tables de toilette et les coiffeuses avaient disparu, mais il se rappelait la place et la disposition de chacune d'elles. L'air ensoleillé qui sentait le renfermé avait toujours été une odeur estivale et l'était encore ; les morceaux de Schubert que jouait sa cousine italienne lorsqu'elle venait à Shelhanagh résonnaient ; des murmures de voix flottaient. » p. 41-42


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :