• L'Espion qui aimait les livres

    N°581L'Espion qui aimait les livres

    John Le Carré

    L’Espion qui aimait les livres

    Silverview
    Traduit de l’anglais par Isabelle Perrin

    2021, Éditions du Seuil 2022, Points 2023

    226 pages

    Seuil - une semaine, un livre (eklablog.com)

    Points - une semaine, un livre (eklablog.com) 

     

    Un libraire se lie avec un client original. Celui-ci lui propose d’ouvrir une bibliothèque d’œuvres classiques dans la cave de la librairie. Mais qui est-il vraiment ?

    L’Espion qui aimait les livres est une histoire complexe qui se déroule en entremêlant les agissements de plusieurs personnages dont les liens se révèlent au fur et à mesure du récit. Ce roman se distingue d’une part par la complexité des relations entre les personnages, d’autre part par la façon dont il embrasse l’histoire de l’Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Très ancré dans le monde du renseignement, avec tout ce que cela comporte de mystères et de non-dits, il se parcourt un peu à l’aveugle et, en même temps, avec fascination grâce aux surgissements répétés de pistes qui pourraient permette de comprendre. C’est en grand connaisseur de son sujet que John Le Carré mène son intrigue. Peu d’action ici, mais une tension progressive et permanente jusqu’au dénouement ... qui n’en est pas un. Plus qu’une véritable intrigue, l’auteur propose une sorte d’esquisse de la bourgeoisie anglaise et une critique du monde du renseignement.
    L’écriture de John Le Carré est précise tant sur le fond, le monde de l’espionnage, que sur la forme. Chaque mot paraît comme parfaitement placé.
    L’Espion qui aimait les livres est un texte posthume, établi par le fils de l’écrivain, Nicholas Cornwell, à partir d’un manuscrit inachevé. Nicholas Cornwell, lui même romancier connu sous le nom de Nick Harkaway, signe une postface tout à fait éclairante sur l’œuvre de son père. D’après lui, John Le Carré n’aurait pas voulu que ce texte soit publié de son vivant de peur de se voir reprocher de divulguer des éléments qui pourraient gêner ou compromettre certains de ses anciens collègues du “Service”, ou qu’il soit perçu comme une critique trop politique du monde du renseignement britannique.
    Malgré son style et sa maîtrise, ce roman, qui sera une perle pour les amateurs de cet écrivain, restera en partie obscur pour les autres.

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    L'Espion qui aimait les livresDavid John Moore Cornwell, dit John Le Carré, est né en 1931 dans le Dorset, Sud de l’Angleterre, et mort en 2020 en Cornouailles. Abandonné par sa mère et élevé par son père qui vivait d’escroqueries, il passe toute sa jeunesse dans des écoles privées. Il étudie ensuite à l’Université de Berne, en Suisse, et à l’Université d’Oxford. Il devient enseignant au collège d’Eton puis rejoint le Foreign Office en 1949. Il est recruté par le Secret Intelligence Service alors qu’il est en poste à Hambourg. Il écrit un premier roman en 1961, puis doit quitter le “Service”. Il se lance dans l’écriture, en s’inspirant de sa carrière “d’espion”. En 1964, son livre l’Espion qui venait du froid rencontre un vif succès. Il a écrit 26 livres, une pièce de théâtre et deux essais.

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    Extrait :

    La veille au soir, cinq minutes avant la fermeture. La librairie est déserte, comme presque tout le reste de la journée. Debout derrière la caisse, Julian totalise les maigres recettes du jour. Cela fait quelques minutes qu'il a repéré une silhouette solitaire en imperméable camel, coiffée d'un feutre et armée d'un parapluie fermé, qui fait le planton sur le trottoir d'en face. Depuis six semaines qu'il gère un commerce mal achalandé, il a appris à repérer ces badauds qui regardent la vitrine sans jamais entrer et commencent à lui taper sur le système.
    Est-ce la devanture peinte en vert pomme qui rebute ce vieux monsieur, peut-être un habitant de la ville allergique aux couleurs vives ? Ou l'étalage de beaux ouvrages, avec des offres spéciales pour toutes les bourses ? Ou peut-être Bella, la stagiaire slovaque de vingt ans qui occupe souvent la vitrine pour guetter ses chéris du moment ? Non, pour une fois Bella s'active utilement dans la réserve à emballer les invendus pour retour à l'éditeur. Et là, ô miracle, l'homme traverse enfin la rue, il ôte son chapeau, pousse la porte du magasin et passe une tête chenue d'une soixantaine d'années à l'intérieur.
    “ Vous êtes fermé, informe-t-il Julian d'une voix catégorique. Vous êtes fermé, et je reviendrai un autre jour, j'insiste.”
    Sauf qu'une chaussure de marche marron boueuse a déjà franchi le seuil et sa jumelle l’imite, bientôt suivie par le parapluie.
    “ Non, non, nous ne sommes pas fermés, l’assure Julian, tout aussi mielleux. Techniquement nous fermons à 17 h 30, mais nous sommes flexibles. Entrez donc, je vous en prie, et prenez tout le temps qu'il vous faut.”

     


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