• Lettres d'Italie à Musset

    2024-44

    Lettres d'Italie à MussetGeorge SAND

    Lettres d’Italie à Musset

    SAND, George, Lettres d’Italie à Musset. (1833). Paris. Les 1001 nuits. Fayard. 2024. 139 pages.

       George Sand (1804-1876) a fait l’incontournable voyage en Italie des artistes du XIXe siècle, entre décembre 1833 et juillet 1834. Débuté avec Alfred de Musset (1810-1857), le voyage s’achèvera sans lui. En revanche, restent trois lettres qu’elle lui aurait adressées après le retour en France du poète.

       La première lettre, datée du 1er mai 1834 et adressé au poète, au cours d’un voyage débuté avec un médecin vénitien et terminé par une marche solitaire dans les Préalpes vicentines, est consacrée au « quand nous étions ensemble ». L’auteur est tout à son émerveillement devant la beauté du paysage, non sans déplorer – déjà ! – la fréquentation excessive des lieux,  tout en pleurant sur l’absence du poète auquel elle reproche de gaspiller son immense talent. La seconde lettre, non datée, est un hommage à Venise, sa beauté, ses fêtes, ses coutumes, les déplacements en gondole ainsi que le fonctionnement de la corporation des gondoliers ; elle y confie aussi ses rêves qui parfois se prolongent et submergent le temps éveillé. La dernière lettre de juillet 1834 évoque une Venise écrasée de chaleur, dans laquelle notre auteur semble surtout préoccupée de la mise à l’index par le pape Grégoire XVI du dernier livre de Lamennais, qu’elle avait rencontré chez Liszt, condamnation qui pose un grand problème au moine arménien – les Arméniens seraient « le plus ancien peuple du monde » selon Sand – qui leur montre les superbes manuscrits de son couvent.
       Les lettres, transmises par Musset aux personnes adéquates, seront publiées sur le champ, en son absence. En effet, George Sand, qui s’est séparée de son époux, vit de sa plume et a un cruel besoin d’argent. Ces lettres, si elles s’inscrivent dans la relation houleuse avec le poète, n’en révèlent rien. Elles possèdent des caractéristiques irritantes, comme le fait d’évoquer les uns et les autres, l’abbé, le docteur, etc., sans aucunement les situer, et oublions le ridicule usage du masculin – qu’elle abandonnera ultérieurement comme en atteste sa correspondance avec Flaubert. Elle manifeste en outre un mépris de classe indigne d’une adepte de Lamennais.
       Cela n’oblitère pas l'aspect éminemment attachant de cette relation de voyage. On admire son audace : elle voyage seule, marche la nuit, dort aux heures chaudes, parfois à côté de chevreaux, et  fait du stop avec un « voiturin qui me prit en lapin » (p.45). Ultime plaisir, son sens inné de la formule juste ; on relit en se disant : c’est exactement cela !

    . . . . .

    Citations

       « Tu te souviens que, quand nous partîmes de France, tu n’étais avide, disais-tu, que de marbres taillés. Tu m’appelais sauvage quand je te répondais que je laisserais tous les palais du monde pour aller voir une belle montagne de marbre brut dans les Apennins ou dans les Alpes. » Première lettre,  p. 8 .

       « Il me semble déjà voir arriver, malgré la neige qui couvre les Alpes, ces insipides et monotones figures que chaque été ramène et fait pénétrer dans les solitudes les plus saintes ; véritable plaie de notre génération, qui a juré de dénaturer par sa présence physique la physionomie de toutes les contrées du globe et d’empoisonner toutes les jouissances des promeneurs contemplatifs, par leur oisive inquiétude et leurs sottes questions. » Première lettre, p. 28-29

       « Catullo ( le gondolier du médecin, ndlr ), qui est sujet comme tous les animaux domestiques de son espèce, à se mêler de la conversation et à donner son avis (…) » Seconde lettre, p. 60

       « L‘abbé se détourna pour cacher un rire moqueur ; puis il fit le tour du cabinet, tandis que le moine le suivait du regard, avec cet œil oriental, si beau et si brillant, qui semble tenir de l’aigle et du chat. » Troisième lettre, p. 105

       « Ce qu’il y a encore de beau et vraiment républicain dans les mœurs de Venise, c’est l’absence d’étiquette et la bonhomie des grands seigneurs. Nulle part peut-être il n’y a de distinctions aussi marquées entre les classes de la société, et nulle part elles ne s’effacent de meilleure foi. » Troisième lettre, p. 118. 


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :