• Celui qui veille

    N°540Celui qui veille

    Louise Erdrich

    Celui qui veille

    The Night Watchman

    Traduit de l’anglais par Sarah Gurcel

    2020, Albin Michel 2022, Le Livre de Poche 2023

    557 pages

    Albin Michel - une semaine, un livre (eklablog.com)

    Le Livre de Poche - une semaine, un livre (eklablog.com)

    En 1953, le Congrès des États-Unis d’Amérique déclare sa volonté d’abroger les traités de nation à nation qui avaient été conclus avec les tribus indiennes pour « aussi longtemps que l’herbe poussera et que l’eau des rivières coulera ». Le conseil tribal de la Bande d’Indiens Chippewas de Turtle Mountains décide de lutter contre cette décision.

    Le président du conseil tribal, veilleur de nuit dans une usine d’horlogerie, emmène les membres de sa communauté dans une lutte qui verra une fin positive. Il n’est autre que le grand-père de l’auteure qui s’en est inspirée pour écrire ce roman. Même si Celui qui veille est certainement le roman de Louise Erdrich le plus proche de sa vie personnelle, ce n’en est pas moins un roman par la forme, mais aussi par les aventures des personnages qui le peuplent. Au-delà de l’histoire de cette lutte des Indiens pour le maintien de leurs droits et de la reconnaissance du passé colonisateur des « Blancs », fort intéressante au demeurant, ce qui domine dans ce roman est bien la question de l’identité comme dans tous les romans de Louise Erdrich tels que La Malédiction des colombes (une semaine un livre n°25), La Chorale des maîtres bouchers (n°34), Love Medecine (n°95), ou LaRose (n°260). On retrouve également dans Celui qui veille la caractéristique polyphonique de l’écriture de Louise Erdrich, la profondeur des personnages, la qualité de la documentation et la précision quasi anthropologique des récits qui s’entrecroisent.

    Chaque roman de Louise Erdrich est une nouvelle entrée dans un monde complexe, le même monde qui se décline encore et encore en de nombreux personnages tous aussi riches et émouvants. Elle sait croiser les sentiments les plus intimes – tous ses livres parlent d’amour – avec la cause des peuples indiens d’Amérique d’une façon unique et puissante.

    . . . . . .

    Celui qui veilleKaren Louise Erdrich est née en 1954 dans le Minesota, d’une mère métisse Chippewa et française et d’un père germano-américain. Elle grandit dans le Dakota du Nord où ses parents travaillent au Bureau des affaires indiennes. Après des études universitaires en langue anglaise puis en littérature et écriture, pendant lesquelles elle fait de nombreux petits jobs, elle obtient un poste d’écrivain en résidence à l’université de Dartmouth. Son premier livre, un recueil de nouvelles, est publié en 1984. Elle a publié 18 livres, des nouvelles dans des revues, des livres pour enfants, de la poésie et quelques essais.

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    Extrait :

    Thomas Wazhashk saisit la bouteille thermos calée sous son bras et la posa sur le bureau en acier, à côté de sa mallette éraflée. Sa veste de travail atterrit sur la chaise, et sa gamelle sur le rebord glacé de la fenêtre. Lorsqu'il retira sa casquette matelassée, une pomme sauvage tomba du rabat cache-oreilles. Un cadeau de Fee, sa fille. Il plaça le fruit sur le bureau pour le contempler, avant d'insérer sa fiche dans la pointeuse. Minuit. Il prit alors le trousseau de clefs et la lampe torche fournie par l'entreprise, puis fit le tour du rez-de-chaussée.

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    Pixie Parenteau appliqua une touche de ciment sur un préparage pour le coller sur un socle, puis planta celui-ci dans un petit trou de la plaque de perçage. Elle faisait les choses à la perfection quand elle était furieuse. Regard focalisé, pensées canalisées, respiration ralentie. Elle traînait toujours ce surnom de Pixie, « le lutin », qu’on lui avait donné quand elle était enfant à cause de ses yeux en amande. Depuis qu'elle avait quitté le lycée, elle essayait d'habituer les gens à l’appeler Patrice. Pas Patsy, ni Patty, ni Pat. Mais même sa meilleure amie faisait de la résistance. Laquelle meilleure amie, assise à côté d'elle, était également occupée à disposer les préparages en petits rangs interminables. Moins rapidement que Patrice mais bonne seconde, toutes ouvrières confondues. Dans la grande salle silencieuse, on n'entendait que le grésillement des lampes.

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    Wood Mountain était déjà au gymnase. Barnes le trouva occupé au sac de sciure. De petits nuages de poussière s'échappaient de la toile de jute quand il la frappait de son gauche. Bien que droitier, il avait plus de puissance de ce côté-là. Barnes posa le paquet près du change de vêtements soigneusement roulés du jeune boxeur. C'était le fils que Juggie avait eu avec Archille Iron Bear, un sioux dont le grand-père avait suivi Sitting Bull vers le nord quand il avait été contraint de fuir après la bataille de Little Big Horn. Une poignée de familles était restées au Canada, dont certaines dans les plaines, sur un site protégé qu'on appelait Wood Mountain. La plupart des gens avaient oublié le vrai nom du fils de Juggie au profit de celui de l'endroit d'où son père était originaire.


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