• Le passager

    N°547Le passager

    Cormac McCarthy

    Le Passager

    The Passenger

    Traduit de l’anglais par Serge Chauvin

    2022, Éditions de l’Olivier 2023

    537 pages

    L'Olivier - une semaine, un livre (eklablog.com)

    Un homme mène une vie errante. Grand mathématicien, il a abandonné la recherche et exerce plusieurs métiers dont celui de plongeur professionnel. Quels sont les secrets qui le mènent à cette vie ?

    Le Passager est un long portrait. Chacun des dix chapitres qui composent ce récit apporte des éléments pour approcher une vie dans toute sa complexité. Chaque moment de son existence, chacune de ses relations, chacun de ses comportements sont décrits de façon répétée à travers toute une panoplie de procédés littéraires, de la narration la plus simple aux longs dialogues en passant par des évocations de moments particuliers présentés de façon onirique. Cet homme reflète-il la vision de l’auteur sur ses contemporains ou bien s’agit-il d’une facette cachée et sublimée de la vie de l’auteur lui-même, ou un mélange des deux ? Quoi qu’il en soit le Passager propose une lecture d’une grande richesse et aborde toute la complexité de l’âme humaine. À s’y perdre ! Le personnage principal n’est aucunement caricatural, même s’il n’est pas banal. Il est clairement névrosé, génial, très intelligent et donc inadapté. La fuite en avant, vers la disparition, parait être la seule voie qui lui est offert tant ses choix personnels ne correspondent pas avec la structure de la société.

    Le Passager et Stella Maris (une semaine, un livre n°544) forment un ensemble. Le premier s’intéresse à un homme, le second à sa sœur, les deux personnages apparaissant dans les deux textes. À se demander si les deux volumes n’ont pas été créés artificiellement pour éviter de n’en faire qu’un qui aurait eu plus de 800 pages. La relation entre le frère et la sœur est d’ailleurs centrale puisque l’amour qu’ils éprouvent, ou ont éprouvé, l’un pour l’autre est une des sources majeures de leurs problèmes. Le Passager, comme Stella Maris, est une lecture exigeante qui demande des efforts permanents tant le fond comme la forme sont complexes. C’est un livre qui apparait comme l’expression d’un esprit puissant et cherchant toujours le sens de la vie, à l’approche de sa fin.

    . . . . .

    Le passagerCharles McCarthy est né en 1933 à Providence dans le Rhode Island et mort en 2023 à Santa Fe au Nouveau Mexique. Le surnom Cormac (fils de Charles en gaélique - nom de son père) lui a été donné par sa famille. Il commence à écrire en 1960 et publie quelques romans mais ne connaitra le succès qu’avec le premier tome de la Trilogie des confins en 1992. Le Passager et Stella Maris sont ces deux derniers romans. Ils ont été publiés 16 ans après la Route (2006) alors qu’il avait 90 ans. Il a écrit 12 romans, 3 scénarios de film et deux pièces de théâtre.

    . . . . .

    Extraits :

    Le serveur apporta leur commande. Ah, enfin, dit John. À ta santé.

    Et à la tienne.

    On ne traverse pas la vie, Messire. C’est elle qui nous traverse. Jusqu’au dernier et implacable engrenage.

    Je ne suis pas sûr de comprendre la distinction.

    C’est simplement que le passage du temps c’est inexorablement ton passage et ton trépassage. Et puis plus rien. J’imagine que ce devrait être une consolation de comprendre qu’on ne peut pas être mort pour l’éternité puisqu’il n’y a pas d’éternité où être mort. OK. Je vois bien ton regard. Je sais que tu m’estimes enferré dans un bourbier cognitif et je suis sûr que tu présenterais comme le summum du solipsisme de croire que le monde se termine avec soi. Mais je n’ai pas d’autre façon de voir les choses.

    C’est juste que je ne saisis pas bien ce que ça change.

    Je sais. Mais comme tout un chacun j’entends les dés cliqueter dans le cornet.

    Au bout du compte il n’y a rien à savoir et personne pour le savoir.

    Au bout du compte, oui.

    . . . . .

    Ils marchèrent sur la plage, mais le Kid avait l’air songeur. Penché en avant, les nageoires jointes derrière le dos. En mer les filaments de foudre se dressaient brièvement en zébrures métalliques puis retombaient sur le bord assombri du monde. T’es quand même une putain d’énigme, dit le Kid. Quoi, t’as vraiment pas de questions ? Je pensais que ça serait marrant de voir un mec se renseigner sur la santé mentale de sa sœur auprès d’une hallucination de ladite sœur.

    Tu sais vraiment des choses sur elle ?

    Pourquoi pas ? Après tout, je suis un fragment de sa psyché, non ?

    Je ne sais pas. Tu n’es pas un fragment de la mienne ?

    Je n’en sais rien. Putain, c’est une vraie épidémie de mystères, tu ne trouves pas ?

    Elle disait que tu comprenais toujours tout de travers.

    C’était surtout une façon de la distraire. De lui donner un os à ronger tant qu’à faire.

    Je ne suis pas sûr de te croire.

    Bigre. C’est gonflé.

    Pourquoi ça ?

    Pourquoi ça ? Parce que tu parles de quelque chose dont il existe moins que rien, voilà pourquoi.

    Je croyais que tu étais là pour répondre à mes questions.

    OK. D’accord. Pourquoi pas ?

    On va où ?

    Se balader sur la plage. Prendre un peu d’air.

    Il inspira à pleines narines.


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