• Histoire du fils - Joseph

    N°534Histoire du fils - JosephHistoire du fils - Joseph

    Marie-Hélène Lafon

    Histoire du fils

    Buchet-Chastel, Libella 2020, folio 2022

    175 pages

    Joseph

    Libella 2014, folio 2023

    116 pages

    Buchet/Chastel - Libella - une semaine, un livre (eklablog.com)

    Armand et Paul sont jumeaux. La mort accidentelle du premier à l’âge de cinq ans, marquera toute la vie du second et celle de leur famille. Joseph est ouvrier agricole. Malgré son penchant pour le vin et la tournée des bars, c’est un homme sans histoire et apprécié de ses patrons. Ces deux romans se passent dans le Cantal.

    L’Histoire du fils retrace la vie d’une famille sur trois générations, entre 1908 et 2008. Une famille marquée par la mort d’un enfant et par la forte personnalité des mères. Chaque chapitre porte une date et raconte un moment marquant de la vie d’un des membres de la famille, mais le récit ne progresse pas strictement de façon chronologique, il suit plutôt l’évolution des personnages.

    Joseph est le portrait d’une personne. Entre roman et nouvelle, ce livre dépeint un milieu très simple, celui des petites fermes laitières et fromagères, à travers la vie d’un ouvrier, un homme sans prétention si ce n’est celle de ne pas être malheureux.

    Dans ces deux livres, Marie-Hélène Lafon prend pour écrin ce Cantal qui lui est cher, mais ce qui l’intéresse est la vie intime de ses personnages, les relations qu’ils entretiennent avec leurs pairs, leur fratrie, leurs proches, leurs voisins, ainsi que leur vécu. Elle interroge les impacts des traumatismes, ceux qu’on voudrait oublier mais qui ressurgissent sans cesse et influencent les décisions, pénétrant ainsi profondément dans ses personnages.

    Marie-Hélène Lafon écrit dans un style très soigné et précis, chaque mot est choisi, chaque adjectif apporte un détail, élaborant ainsi une peinture limpide du monde qu’elle décrit. Lire un livre de Marie-Hélène Lafon, c’est pénétrer profondément dans une histoire humaine mais c’est aussi un régal formel de lecture tant son écriture est simple et équilibrée.

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    Histoire du fils - JosephMarie-Hélène Lafon est née en 1962 à Aurillac, dans le Cantal. Fille d’une famille de paysans, elle est élève en pension dans un lycée religieux de Saint-Flour, puis étudiante à Paris, à la Sorbonne, où elle obtient une maîtrise de latin, un CAPES de lettres modernes, un DEA et un doctorat ès lettres (le sujet de sa thèse est l’œuvre d’Henri Pourrat, écrivain auvergnat), et enfin une agrégation de grammaire en 1987. Elle devient professeur de français, latin, grec dans un collège parisien. Son premier roman (2001), Le Soir du chien est récompensé par le prix Renaudot des lycéens. Elle a publié 10 romans et plusieurs recueils de nouvelles. Histoire du fils a reçu le prix Renaudot.

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    Extraits :

    Hélène tricote pour Antoine. Chaussons et bonnets, c’est son rayon, on le sait dans la famille et elle est attendue. Elle a toujours pressenti que l’enfant de Juliette et d’André serait un garçon. On appelle ça les intuitions d’Hélène et elles ont valeur d’oracle. Léon et elle ont déjà sept petites filles qui grandissent entre Saint-Céré, Cahors et Bergerac. On les voit souvent, elles vont, viennent, restent, repartent, par grappes vives de deux, trois ou quatre ; c’est la manade des cousines, le mot est de Léon qui se pique de tauromachie. Hélène éteint la radio, elle est seule, Léon pose des étagères à Cahors, chez Claire, dont le mari a des mains de beurre et ne planterait pas un clou sans se faire mal ; l’aînée de Claire dévore les livres, jour et nuit, elle a seize ans à peine et la tête bien faite, à l’école elle est en avance d’une année, elle veut tout comprendre, tout apprendre, et l’on parle pour elle d’un grand lycée à Paris, de concours très difficiles. Les parents sont fiers, les grands-parents aussi, mais Hélène trouve sa petite-fille bien jeune pour partir à Paris dans un internat où elle oubliera de manger et de dormir pour lire et étudier encore et toujours. Hélène aime le tricot qui occupe les mains et laisse galoper la pensée.

    (Histoire d’un fils)

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    Les mains de Joseph sont posées à plat sur ses cuisses. Elles ont l’air d’avoir une vie propre et sont parcourues de menus tressaillements. Elles sont rondes et courtes, des mains presque jeunes comme l’enfance et cependant sans âge. Les ongles carrés sont coupés au ras de la chair, on voit leur épaisseur, on voit que c’est net, Joseph entretient ses mains, elles lui servent  pour son travail, il fait le nécessaire. Les poignets sont solides, larges, on devine leur envers très blanc, charnu, onctueux et légèrement bombé. La peau est lisse, sans poil, et les veines saillent sous elle. Joseph tourne le dos à la télévision. Ses pieds sont immobiles et parallèles dans les pantoufles à carreaux verts et bleu marine achetées au Casino chez la Cécile ; ces pantoufles sont solides et ne s’usent presque pas, leur place est sur l’étagère à droite de la porte du débarras. La patronne appelle comme ça la petite pièce voûtée qui sépare la laiterie de la cuisine ; elle préfère que les hommes passent par là au lieu d’entrer directement par la véranda, c’est commode ça évite de trop salir surtout s’il fait mauvais ou quand ils rentrent de l’étable avec les bottes.

    (Joseph)


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