N°555

Marcel Theroux

Au nord du monde

Far North

Traduit de l’anglais par Stéphane Roques

Postface de Haruki Murakami

2009, Éditions Zulma 2021, Zulma Poche 2023,

357 pages

Zulma - une semaine, un livre (eklablog.com)

Une femme vit seule dans un village désert au fond de la Sibérie près du Cercle arctique. Elle rencontre un jour une jeune chinoise terrorisée et à bout de force. Elle la prend sous son aile.

L’histoire se déroule dans un futur postapocalyptique, un monde dans lequel les êtres humains ont déserté les grandes villes devenues inhabitables pour coloniser des zones arides et désolées comme la Sibérie, les seules à rester habitables, mais dans quelles conditions ! Il s’agit donc d’un roman d’anticipation qui décrit le monde d’après la catastrophe écologique qui a détruit la civilisation industrielle. L’héroïne, également narratrice, connaît une série d’aventures et d’épreuves extraordinaires au fil de ses voyages et de ses rencontres : des intellectuels perdus dans la taïga, des brutes épaisses capables de tout pour survivre, des dictateurs soi-disant éclairés et des gourous abusant de leurs sujets, beaucoup de figures violentes et sans états d’âme et quelques personnages qui ont su garder un visage humain dans ce monde dévasté rendu dangereux autant par les hordes barbares qui le parcourent que par les restes de pollution contaminante.

L’histoire est racontée de façon chronologique, avec quelques retours en arrière qui évoquent le bonheur des jours passés. Western du nord, comme le suggère le titre original, Far North, ce roman rappelle aussi La Route, le roman de Cormac McCarthy dans un monde où l’empreinte du monde soviétique reste bien présente. Malgré une intrigue plutôt sinueuse et pas toujours captivante, Au nord du monde se lit facilement et pointe un futur plutôt sombre. Eco-anxieux, s’abstenir !

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Marcel Raymond Theroux est né en 1968 à Kampala en Ouganda d’une mère anglaise et d’un père américain d’origine franco-canadienne et italienne. À l’âge de deux ans, il rentre à Londres avec sa famille. Après des études de littérature anglaise au Clare College de Cambridge et de relations internationales à la Yale University où il se spécialise sur l’Europe de l’est et le monde soviétique, il travaille comme journaliste et documentariste. Il publie un premier roman en 1999. Il a écrit cinq livres.

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Extrait :

On était là, à un jour de marche de la Zone, prêts à voler à la terre souillée les choses qu'on n'avait plus l'intelligence ni les moyens de produire. Et une fois épuisées les ressources de la Zone, on aurait de la chance de se retrouver dans la peau de ce môme, traquant des animaux empoisonnés dans une forêt qu'on ne serait plus capable de nommer. Il était notre meilleur espoir d'avenir.

Je me suis couchée en me disant que ce qui n'existait plus avait beau me manquer, c'était peut-être mieux ainsi : que le monde tombe en jachère pendant deux siècles ou plus, qu'il soit lavé par la pluie. Nous formerions une nouvelle couche de son histoire, plus proche de la surface que celle des Romains et des bâtisseurs de pyramides. Oui, Makepeace, je me suis dit, peut-être qu'un jour ta mandibule sera exposée sous verre dans un musée. Femme d'origine européenne. On remarquera les incisives émoussées et la preuve d'une carence en minéraux due à l'appauvrissement et au manque de variété de l'alimentation. Guerrière et sauvage. À côté, quelques tessons de poterie.

En fin de compte, le niveau des eaux baisse, le soleil se lève et les plantes poussent. Je n'ai jamais douté qu'il restera quelque chose de nous. Évidemment, je ne serai pas là pour le voir. Et tous ces livres que j'ai sauvés finiront en humus ou en nids d'oiseau, j'imagine.

Mais quelque chose continuera. Je ne suis pas rassurée pour autant quand je pense au jour où le déluge sera passé et où des larves sombres, visqueuses, autrefois humaines, attendront d’éclore pour sortir de l'arche.