• Les Morts concentriques

    N°526Les Morts concentriques

    Jack London

    Les Morts concentriques

    Nouvelles traduites de l’anglais par Marie Picard

    1901-1909, Éditions Sillage 2013

    92 pages

    Sillage - une semaine, un livre (eklablog.com)

    L’héritier d’une grande fortune est retrouvé mort par suicide. Un aventurier est capturé par des indigènes du Grand Nord, il trouve une astuce pour ne pas être torturé. Sur une île du Pacifique, le capitaine d’une goélette s’apprête à acheter une superbe perle à un indigène, mais une énorme tempête arrive…

    Les trois nouvelles rassemblées dans ce recueil n’ont rien à voir entre elles si ce n’est la brutalité du monde et des hommes. Elles avaient été rassemblées par Jorge Luis Borges dans la collection « La Bibliothèque de Babel » sous le titre Le Morte concentriche repris ici par les éditions Sillage.

    La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, est apparentée aux écrits engagés de Jack London qui sont bien moins connus que ses romans d’aventure. Elle fait penser à son grand roman, Le Talon de fer (1908), qui est un pamphlet politique sur la lutte des classes sous forme de dystopie. Ici, des terroristes s’attaquent à l’argent des milliardaires. Jack London y exprime sa détestation du capital et pourquoi il faut s’en débarrasser.

    La seconde nouvelle appartient aux aventures dans le Grand Nord, aux histoires de violences, de barbarie et de cupidité qui animent ce milieu qu’il a bien connu. Il montre que la tromperie est partout et que la violence permet tous les mensonges.

    La dernière nouvelle s’apparente à ses récits et aventures maritimes, ici dans le cadre merveilleux de la Polynésie, mais où, encore une fois, la violence des éléments et l’appât du gain viennent troubler toute possible harmonie.

    Les nouvelles de Jack London sont à la fois des récits d’aventure et des fables. C’est un merveilleux conteur, à peine s’empare-t-il de son sujet qu’on est happé par la façon qu’il a de raconter son histoire, mais c’est aussi la philosophie de la vie qui sous-tend ses récits qui est étonnante. Passé par une enfance et une jeunesse très dures, Jack London sait se nourrir de la peine de vivre et de la révolte pour écrire des textes forts et somptueux. En cela, lire Jack London c’est s’émerveiller devant son talent d’écrivain mais aussi devant cette capacité qu’il a pour toucher autant la réflexion que l’émotion.

    . . . . .

    Les Morts concentriquesJack London est né en 1876 à San Francisco. Il est mort en 1916 à Glen Ellen en Californie. Son vrai nom est John Griffith Chaney. Son père biologique se sépare de sa mère alors qu’elle est enceinte. Celle-ci se remarie rapidement avec John London qui donnera son nom à l’enfant, en modifiant le prénom. Jack London passe son enfance à la campagne avec les animaux de la ferme que son beau-père exploite mais la famille part habiter à Oakland en 1886. Le jeune London fréquente beaucoup la bibliothèque, mais il doit aussi faire de nombreux petits boulots car la famille est pauvre et son beau-père ne peut plus travailler à cause d’un accident de train. Après un certificat d’étude passé à l’âge de 15 ans, Jack London part travailler dans une conserverie de saumon. En 1891, il achète un petit bateau et devient « pilleur d’huîtres », commençant là sa vie d’errance. Mais il retourne au lycée en 1895 et commence à écrire des nouvelles. Il réussit à s’inscrire à l’université de Berkeley mais il doit arrêter pour gagner sa vie. C’est en 1897 qu’il part en Alaska comme chercheur d’or. Il continuera une vie d’aventures à travers le monde et sur les mers. Il écrit aussi beaucoup, il se marie, il a deux filles en 1901 et 1902, se remarie, fait de la politique comme militant socialiste… Il a publié 5 récits, 24 romans et surtout plusieurs centaines de nouvelles ainsi que de très nombreux articles et essais.

    . . . . .

    Extraits :

    Wade Atsheler est mort – et c'est lui qui s'est ôté la vie. Dire que cela a été une véritable surprise pour les membres de sa petite coterie serait mentir ; et pourtant jamais nous n'avions, nous, ses intimes, même envisagé cette éventualité. Il serait plus juste de dire que nous nous y étions préparés, sans nous en rendre compte, dans notre subconscient. Avant qu'il ne soit passé à l'acte, nous étions bien loin de penser que cela puisse arriver ; mais à l'annonce de sa mort, il nous est apparu que, sans savoir vraiment pourquoi, nous avions compris depuis longtemps et savions que cela devait se produire. Rétrospectivement, il était facile de trouver une explication à son geste dans cette grande inquiétude que nous lui connaissions.

    (Les Morts concentriques)

    La fin était arrivée. Subienkow avait suivi une longue piste jalonnée d'amertume et d'horreur, pareil à une colombe cherchant le havre des capitales européennes, et c'était ici, plus loin que jamais, dans la partie russe du continent américain, que le voyage s'achevait. Il était assis dans la neige, les bras liés derrière le dos, attendant d'être torturé. Il observait avec curiosité un cosaque, sorte de géant, couché à plat ventre dans la neige, qui gémissait de douleur. Les hommes en avaient fini avec lui et l’avaient remis aux femmes. Leur cruauté surpassait celle des hommes, comme les cris du colosse le prouvaient.

    (La Face perdue)

    Malgré la lourdeur de ces lignes, l’Aorai était facile à manœuvrer dans la brise légère, et son capitaine abattit les voiles avant de mettre en panne pour affronter les vagues déferlantes. L’atoll de Hikueru s'étendait au ras de l'eau, ceinture de corail à demi enfouie sur le sable, battue par les flots sur sa vingtaine de milles de circonférence, émergeant d'un mètre ou deux au-dessus du niveau de la mer à marée haute. Tout au fond, sous la surface lisse de l'immense lagon, on trouvait abondance d'huîtres perlières, et depuis le pont de la goélette, on voyait les plongeurs au travail sur le mince anneau que formait l'atoll.

    (La Maison de Mapuhi)


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