• Le voleur d'innocence

    N°178

    René FregniLe voleur d'innocence

    Denoël 1994, folio 2012

    263 pages

    Marseille, années soixante, les quartiers pauvres et la Provence comme arrière-pays, une famille difficile. C’est dans ce cadre que grandit le personnage de ce livre, de sa naissance à la fin de son adolescence.

    Rien n’est facile pour le narrateur. Sa mère dépressive et son père absent, il tombe lentement dans l’exclusion, d’abord familiale, puis scolaire et puis sociale. Racontée à la première personne, son histoire nous semble toute tracée, mais lui ne le sait pas. Sa descente en enfer, qu’on touche à la fin du livre, parait inéluctable bien qu’on espère qu’il va se passer quelque chose qui le fera sortir de son sort. Lui va gaiement vers son malheur, vers la délinquance, balloté par son destin, guidé par sa révolte dont il ne connait pas vraiment les raisons, celles de la société de la croissance qui crée ses laissés-pour-compte.

    Mais R. Frégni aime son cadre et malgré la noirceur de son récit, il dépeint Marseille et sa région avec toutes ses lumières, ses couleurs et ses senteurs, celles des banlieues comme celles du vieux port, celles de la haute Provence des vacances ou de Vence où le narrateur passe deux ans à l’école Freinet. Son écriture poétique, pleine de saveurs du Sud, adoucit la tragédie, donnant un petit air à la Pagnol dans une histoire qui aurait pu inspirer les polars de J-C. Izzo (Total Khéops  -  Chourmo  -  Solea, Gallimard 1995, 1996 et 1998, une semaine, un livre n°156) et offrant de très belles images du Sud comme celle de la Corse qui apparait comme flottant au-dessus de la mer dans l’aube. Le voleur d’innocence est un roman de facture assez classique qui montre tout l’amour d’un écrivain pour sa ville et sa région mais aussi sa connaissance des réalités sociales.

    .....

    Extraits:

    Je venais tout juste de rencontrer Suzon qu'il fallait déjà que je l'oublie, nous n'étions pas tirés de même bloc de glaise. Alors, dès qu'un moment sans école m'aurait permis de l'entrevoir je filais avec mon frère un peu plus loin, chez nos grands-parents maternels. Je passais en courant devant chez elle pour ne pas être aspiré. À six ans on a déjà tout compris de l'amour, quand on n’est pas très beau on se résigne au rêve, les vrais sublimes ce n'est jamais pour soi. Il faut apprendre à trouver beau le fade, à s’exclamer discrètement pour le modeste et l’inférieur. Alors on va au cinéma ou on vieillit dans sa cuisine.

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    Nous sommes restés comme ça toute la nuit et aux premières lueurs nous avons entendu claquer le grand drap du vent. Tout brusquement a pris feu dans la fenêtre. Le soleil revenait lui aussi après les matins tristes.

    Durant trois jours le mistral ébouriffa le jardin ; l'acacia craquait, lançait ses bras démesurés dans un ciel fou d'azur ; les feuillages de l'automne flambaient dans l'incendie que ces grands soirs allument. Tout en bas Marseille se jetait dans le feu de la mer, les îles du Frioul étaient avalées par les laves.

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    Eléments biographiques :

    Le voleur d'innocenceRené Fregni est né en 1947 à Marseille. Il passe son enfance dans un quartier populaire puis après avoir quitté l’école très jeune et travaillé un temps comme peintre en bâtiment, il part pour voyager. Revenu à Marseille, il travaille d’abord comme infirmier psychiatrique puis se passionne pour l’écriture. Il s’installe à Manosque pour écrire et publie un premier roman en 1988. Il vit actuellement à Manosque. Il a publié 14 romans dont plusieurs polars, et 5 livres pour enfant.


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