N°172

José Carlos Llop

El informe Stein

2000, Actes Sud 2008, Babel 2016

101 pages

Dans les années 60, à Majorque, un adolescent vit avec ces grands parents car ses parents sont toujours en voyage, il ne les connait que par les cartes postales qu’ils lui envoient. Il va au collège catholique. Un jour, un nouvel élève arrive, il est original, il fascine le reste de la classe.

Le Rapport Stein s’attache à dépeindre l’ambiance particulière de la Majorque bourgeoise sous le franquisme. Les secrets de familles (on peut deviner que les parents sont en exil), les oncles et autres relatifs et leur voiture avec chauffeur, les relations avec les pères enseignants, cet élève particulier dont les activités du père sont bien mystérieuses, mais aussi la sœur dont le narrateur va tomber violemment amoureux. Tout y est pour créer une ambiance pesante, où le monde des adultes est fermé, perdu dans ces non-dits, sous la chape de plomb du franquisme.

Le Rapport Stein est d’abord un roman d’initiation. Tout écrit à la première personne du singulier, il se cantonne dans les perceptions que pouvaient avoir un jeune adolescent dans ce monde étriqué où les seules éclaircies ne pouvaient avoir que le goût du mystère ou de la folie. J. C. Llop se tient à cette vision, celle de sa jeunesse, il n’en tire aucune conclusion ni analyse. C’est un livre de souvenirs bruts. On pense parfois aux romans de Marguerite Duras : cette immédiateté du souvenir dans un style littéraire limpide et particulier.

Le Rapport Stein est aussi une description de ce monde si particulier que la bourgeoisie catalane (majorquine) sous le franquisme, où chacun avait trempé de près ou de loin dans les violences de la guerre civile, où l’ordre nouveau était étouffant. J. C. Llop écrit un texte très personnel et à la fois historique.

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Extrait:

J'étais en train de regarder les cartes de visite du père de Stein ; sur l'une, on pouvait lire Boris Negresco, avocat ; sur une autre, Boris IV, roi de Galicie. Les cartes de visite du père de Stein m'avaient plongé dans la stupéfaction et je me demandais si ce n'était pas un faussaire recherché par différentes polices étrangères, je pensais à mes grands-parents qui disaient que lorsque des gens habitent extra-muros c'était qu'ils avaient quelque chose à cacher, lorsque Paula Stein apparu dans le bureau du père de Stein, souriante est entièrement nu.

Je n'avais jamais vu de femmes nues et je ne sus que faire devant le corps nu de Paul Stein. Son frère ne semblait pas remarquer la nudité de Paula Stein mais moi, dans la lumière framboise du bureau du père des Stein, je ne voyais que la peau très blanche de Paula Stein, les poils frisés du pubis de Paula Stein, les mamelons sombre de Paula Stein, me regardant comme deux yeux perçants, malgré tous mes efforts pour éviter de regarder le visage souriant de Paula Stein, dont les yeux étaient comme des amendes couleur de miel, les lèvres roses et les dents aussi blanches que sa peau. Et Paula Stein souriait et me tendait la main et j'avais peur de lui effleurer un sein et en même temps j'avais envie de lui effleurer un sein et je pensais à Boris Negresco, avocat, et à Boris IV, roi de Galicie, tandis que je serrais la main froide de Paula Stein et le corps de Paula Stein était une lampe d'albâtre qui avait inondé de lumière blanche le bureau du père des Stein.

Alors j'ai pris conscience de quelque chose qui m'avait frappé lorsque j'étais entré dans le cabinet du père de Stein : l'odeur de chat. Le bureau du père de Stein empestait la pisse de chat. Mais je serais resté à jamais dans le bureau du père de Stein ; malgré cette odeur de chat, je serais resté avec Stein, assis dans un fauteuil du cuir usé, et Paula Stein nue, me souriant de tout son corps.

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Eléments biographiques :

José Carlos Llop Carratalá est né en 1956 à Palma de Majorque. Poète et romancier, il est connu pour ces journaux personnels dont il a publié cinq volumes. Il a écrit également 10 recueils de poésie, six romans, trois contes et quatre essais.