• Le français va très bien, merci

    N°529 bisLe français va très bien, merci

    Les linguistes atterrées

    Le français va très bien, merci

    Tracts n°49, Gallimard 2023

    60 pages

    « Nous, linguistes, sommes proprement atterrées par l’ampleur de la diffusion d’idées fausses sur la langue française, par l’absence trop courante, dans les programmes scolaires comme dans l’espace médiatique, de référence aux acquis les plus élémentaires de notre discipline. L’accumulation de déclarations catastrophistes sur l’état actuel de notre langue a fini par empêcher de comprendre son immense vitalité, sa fascinante et perpétuelle faculté à s’adapter au changement, et même par empêcher de croire à son avenir ! Il y a urgence à y répondre. »

    En 10 points, les Linguistes atterrées, groupe de chercheuses et de chercheurs en linguistique, réfléchissent sur l’évolution de la langue française en réaction aux déclarations catastrophiques sur l’état de la langue qui peuplent les médias. Leurs analyses se placent résolument du côté de l’observation de ce qui se passe et non pas du côté prescriptif – comment faudrait-il écrire ou parler –, donc d’un point de vue bien différent de celui de l’Académie française par exemple. Le collectif montre que la langue a toujours été en évolution et que la figer a toujours été une expression du pouvoir. Les changements de la langue se produisent malgré toutes les tentatives de les empêcher, et, disent-ils, n’est-il pas plus intéressant d’observer cette évolution et de l’intégrer pour répondre aux aspirations de la société ? Ainsi par exemple en va-t-il de la réforme de l’orthographe de 1990 qui peine à s’installer ou de règles simples comme l’invariabilité du participe passé avec l’auxiliaire avoir ou l’accord de proximité, deux règles qui sont mises en œuvre de façon revendiquée dans ce livret.

    Ce texte est loin d’être révolutionnaire et il a surtout la qualité de proposer de réfléchir plutôt que de s’arcbouter sur des principes. Il propose des arguments pour éclairer les débats futurs, comme précisé dans l’introduction : Sur quelles bases solides pourrait-on commencer à discuter ? Sur quoi peut-on tomber d’accord et sur quoi est-il nécessaire de continuer à débattre. Ainsi, chaque point ne se conclut pas par des recommandations mais par des « Et si ? » qui ouvrent le débat.

    Le français va très bien, merci est une lecture pour celles et ceux qui s’intéressent à la langue française et qui fera du bien à celles et ceux qui en ont parfois marre de la dictature de l’orthographe bien-pensante et sclérosée.

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    Les linguistes atterrées : Anne Abeillé, Julie Auger, Christophe Benzitoun, Heather Burnett, Maria Candea, Françoise Gadet, Médéric Gasquet-Cyrus, Antoine Gautier, Arnaud Hoedt, Jean-Marie Klinkenberg, Michel Launey, Julie Neveux, Rachel Panckhurst, Jérôme Piron, RF Monté, Corinne Rossari, Gilles Siouffi et Laélia Véron.

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    Extraits :

    Et si ?

    Si on revoyait la place de l'orthographe en tant qu’outil de sélection ? Si on régularisait davantage l'orthographe en commençant par appliquer les Rectifications de 1990? Et si on autorisait les correcteurs automatiques aux examens comme les calculatrices en maths ou en physique ?

    (5. Le français n’a pas une orthographe parfaite)

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    L'enseignement du masculin qui l'emporte

    Au pluriel, un groupe unisexe garde son genre grammatical (certains garçons, certaines filles), mais on n'enseigne généralement que pour les groupes mixtes l'accord doit se faire au masculin (les garçons et les filles sont contents). Vaugelas justifie cet accord au XVIIe siècle en arguant que le genre masculin est le plus noble. Jusqu'au XIXe siècle l'accord dit de voisinage ou de proximité, qui existe dans de nombreuses langues, était enseigné mais seulement pour les noms de choses (certaines régions et départements), sans enjeu de domination d’un sexe sur l'autre. Les linguistes ont montré que cet accord est toujours possible aujourd'hui pour les adjectifs qui suivent une série de noms (des chants et danses bretonnes), et qu'il est même obligatoire avant le nom : on ne dit pas certains régions et départements. Il n'y a donc aucune raison de ne plus l'enseigner, que ce soit pour les noms de choses ou pour les noms d'humains.

    (9. Le français n’est pas en « péril » face à l’extension du féminin)

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    Le combat des linguistes dans la société est un combat démocratique

    Face aux puristes qui prétendent éradiquer des façons de parler, rendre mutique des catégories entières de gens, discréditer quiconque ose ne pas suivre leur pseudo règles, les linguistes permettent à chacune et chacun de se réapproprier sa langue. Les linguistes ne nient pas l'existence des discours normatifs, puisque ce sont aussi des usages linguistiques. Mais il est important à la fois de savoir que la négation en français est marquée avec ou sans ne et l'interrogation avec ou sans inversion, que les deux variantes coexistent, qu'elles n'ont pas les mêmes emplois et ne sont pas perçues de la même façon, et de savoir que les deux sont tout aussi « françaises » et légitimes. Toutes les variantes ont une histoire et une place dans le système de la langue.

    Le débat public sur la langue, souvent sclérosé, mérite de placer au centre de l'attention les travaux scientifiques. Il est grand temps de cesser de donner la prééminence à des idées reçues ou à de simples opinions personnelles qui obscurcissent les discussions, et de laisser plus de place aux recherches sur la langue française, son histoire et ses dynamiques. Tout le monde y gagnera.

    (10. Linguiste, c’est un métier)


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