• La nature exposée - Histoire d'Irène

    N°202

    Erri de LucaLa nature exposée - Histoire d'IrèneLa nature exposée - Histoire d'Irène

    2016, Gallimard 2017

    166 pages                                            

    2013, Gallimard 2015, folio 2017

    117 pages

    Un homme, ébéniste et sculpteur, également passeur d'immigrants à ses heures, est amené à restaurer une statue en marbre du Christ dont la «nature» a été cachée par un voile de marbre rajouté. Ce travail l’amènera à réfléchir sur la religion, sur la condition humaine mise en parallèle avec diverses rencontres.

    Avec La Nature exposée, E. de Luca revisite ses thèmes favoris : la sexualité mystérieuse, la montagne dangereuse, la Naples fourmillante, la foi universelle… Il passe d'un sujet à l'autre comme on passe d'une pensée, ou d'un souvenir, à l'autre. Tout écrit à la première personne du singulier : s’agit-il de sa vie, d'une vie imaginée, d'un mélange ? Probablement !

    Une fois encore, E. de Luca fascine avec son style unique, simple poésie, clarté cachée, réflexion rêveuse. Dans La nature exposée on retrouve le montagnard du Poids du papillon (2009, une semaine un livre n°50), le Napolitain de Montedidio (2001), le révolté de Trois chevaux ou d’Acide, Arc-en-ciel (1992, une semaine un livre n°58), le chercheur de sa foi d'Au nom de la mère (2006). La nature exposée se lit un peu en transe, ou au moins transporté dans une pensée passionnée et passionnante.

    Avec Histoire d’Irène, E. de Luca quitte la montagne pour aller vers la mer. Irène est un jeune fille qui a été rejetée par les hommes et adopté par un groupe de dauphins. Là, E. de Luca quitte la narration de sa vie pour n’être plus que le témoin de cette histoire entre rêve et allégorie, sorte de conte écologique.

    Histoire d’Irène est suivi de deux courts textes : Le ciel dans une étable qui raconte un moment de la vie de son père, et Une chose très stupide qui raconte les dernières heures d’un vieil homme, près de la mer, près de Naples.

    Ces textes, bien que moins forts que La nature exposée, restent très touchants et d’une belle poésie.

    .....

    Extraits:

    Après le premier verre de vin descendu dans mon vide, je lui raconte à rebours ce que je suis en train de faire, en commençant par la conversation sur le serpent.

    Ça l’intéresse et elle me conseille de demander l'avis d'une de mes relations. Ce n'est pas un zoologiste, c'est un rabbin. Dans l'ancien testament, le serpent est fréquent. Ma rime involontaire l’amuse et elle la répète : « le serpent est fréquent. »

    Elle parle du sien. Dans un jardin en Arizona, elle a vu un serpent à sonnette enroulé sur lui-même, à un mètre d'elle. Sa queue ne vibrait pas, il ne bougeait pas, il était de la couleur de la terre. Elle était en train de regarder un citronnier. Mais elle a quand même senti sa présence en se retournant.

    Elle n'a pas été gagnée par la panique, mais par un calme immobile. Le reptile non plus n'a pas bougé. Puis, très lentement, un centimètre après l'autre, elle a déplacé son corps. Le serpent a continué à la regarder.

    « J'ai peur des reptiles, je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas eu peur à ce moment-là, aussi près. »

    Parce que tu étais dans un jardin, lui dis-je. Il est bien connu depuis Ève qu'une femme près d’un arbre et d’un serpent sait quoi faire.

    « Je ne comprends pas si tu es sage ou stupide. »

    Je suis vieux, un compromis entre le corps et son ombre.

    « Au contraire, tu me sembles très corps et pas du tout ombre. »

    Chez moi, une ombre est un verre de vin. J'en bois encore un, rouge clair. Je ne sais pas quel poisson j'ai dans mon assiette, avec la sauce.

    (La nature exposée)

    .....

    Elle fait confiance à mon âge blanchi sur les tempes et sur la barbe que j'ai laissée pousser.

    Elle sait que je n'ai ni femme ni enfant. Je lui dis que j'écris des histoires et que je les vends au marché.

    J'ouvre ma valise de commis voyageur, je me mets à brailler mes drôles de titres dont personne ne se souvient et qui attire l'attention l'espace d'une demi-minute.

    Notre espèce humaine a besoin d'histoires pour accompagner le temps et en garder un peu.

    Ainsi, moi je recueille des histoires, je ne les invente pas. Je suis la vie en glanant si c'est un champ, en grappillant si c'est une vigne.

    Les histoires sont un reste laissé par le passage. Elles ne sont pas air mais sel, celui que laisse la transpiration.

    (Histoire d’Irène)

    .....

    Eléments biographiques :

    La nature exposée - Histoire d'IrèneErri de Luca est né en 1950 à Naples. Il est ouvrier, écrivain, poète, et également très engagé auprès du mouvement altermondialiste. Il a publié 62 livres dont 27 ont été traduits en Français.


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