• Nino dans la nuit

    N°340

    Capucine & Simon Johannin

    Allia 2019

    279 pages

    Un jeune homme, juste 20 ans, tente d’entrer dans la légion étrangère. Il passe facilement les divers tests, mais échoue aux analyses d’urine : trop de traces de drogue ! Il retourne vers le squat où végète ses congénères.

    Nino dans la nuit est le récit d’une jeunesse perdue, qui avance sans but, entre drogue, vols, deal, alcool et magouilles. Il décrit la vie quotidienne et l’environnement d’une jeunesse vivant de petits boulots, de petits trafics, passant de squat en squat ou chez des copains, consommant les produits qui passent par-là, s’éclatant dans des fêtes sans fin, et retrouvant la dure réalité à la sortie des cuites. Il ne s’agit pas particulièrement de jeunes des cités de banlieues, ni du milieu de l’immigration, mais de jeunes marginaux et perdus qui errent sans but, en ne pensant qu’au présent et qui se retrouvent chroniquement dans un vide mental et sentimental, jusqu’aux prochaines rencontres, aux prochains sursauts et à une opportunité qui passe par là. C’est un roman sur la misère quotidienne, mais aussi sur l’amitié et l’amour, malgré tout.

    Les deux auteurs sont jeunes, ils sont tous deux partis de chez leurs parents à 17 ans, ils ont voyagé et galéré sans doute. Ce récit est probablement proche de situations vécues par eux-mêmes ou des personnes qu’ils ont rencontrées. La narration est à la première personne du singulier, par le personnage principal et éponyme. Il est écrit dans le style oral du jeune homme, c’est-à-dire vulgaire, bourré de mots d’argot ou utilisés par les jeunes du milieu qu’il décrit. Il colle à l’action, utilise beaucoup les dialogues et peu les descriptions. Autant par le sujet que par le style, Nino dans la nuit s’apparente aux romans de Charles Bukowski (1920-1994) ou à ceux d’Anthony Burgess (1917-1993) (L’Orange mécanique, 1962).

    Nino dans la nuit est un livre fort, empreint d’une certaine poésie réaliste, mais dont la lecture est parfois fatigante à cause du style très parlé.

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    Eléments biographiques :

    Capucine Spineux est née en 1991. Juste après avoir obtenu son bac, elle part pour l’Irlande puis l’Australie. Elle devient photographe et rencontre Simon Johannin. Ils se marient et travaillent ensemble.

    Simon Johannin est né en 1993. Il fait des études de cinéma à Montpellier qu’il abandonne vite pour faire des petits jobs. Son premier roman parait en 2016. Nino dans la nuit est son second roman, écrit à quatre mains avec sa femme Capucine.

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    Extraits :

    Je m'assois sur le bord du lit, je me lève et je vais m’asperger la gueule. Hier je cramais à la drogue, aujourd'hui je sale les blessures de la honte. Putain j'aurais préféré faire la guerre, au moins j'aurais pu dire c'est pas moi, c'est les ordres et me planquer comme un connard de SS. T'as plus qu'à faire avec, Nino, et laisser le temps couler pour mettre de la distance entre toi et ce dont t'es pas fier.

    Pourquoi je fais ça ? C'est quoi le but ? C'est parti pour le grand jeu des questions à la con, mais à toutes la même réponse, j'ai juste fait de la merde c'est tout, et maintenant ça continue. Il faut que je fasse attention et putain ma tête c'est pas possible d'avoir une gueule pareille. On dirait une sale expérience, je ressemble à l’ours polaire placé à l'entrée d'un supermarché en Chine, dans le mal profond.

    J'ai tellement serré des mâchoires que je ne peux pas ouvrir la bouche sans avoir mal. Je tremble comme un putain de camé et tout en moi me dit plus jamais ça mais je le sais déjà que c'est pas vrai, qu'un jour ou l'autre je vais me jeter sur le délicieux croche-patte qui me fera retomber au pays des gogoles. Je me lave les mains, j'ouvre le tiroir à pharmacie pour m'enfiler un Doliprane que je vais essayer de ne pas vomir, puis je porte ce qui me reste de couilles pour me regarder en face, m'arranger et revenir avec une tête qui ressemble à peu près à la mienne.

    On dirait que j'ai laissé ma bouche dans un aspirateur pendant deux jours, et ça c'est quoi, dans mon cou et derrière l'oreille. C’est du putain de rouge à lèvres, marqué au sceau des couillons, c'est ma trace de pas joli et bravo ducon.

    .....

    Mais sur le long terme, franchement à part s’aimer je vois vraiment pas ce qu'on peut faire.

    - Et alors, c'est déjà ça. C'est quand même plus important que le reste non ?

    - Ouais, seulement sans le reste t’as beau t’aimer, tu règles pas les problèmes.

    - Au moins tu sais pourquoi tu cours.

    - Et toi, c'est quoi ta raison, qu'est-ce que tu cherches ?

    - Je sais pas mon beau. Simplement vivre l'expérience de qui je suis, tu vois, juste être moi.

    - Je sais pas comment tu fais pour jamais vriller, toujours assurer et savoir ce que tu veux.

    - T'as vraiment des problèmes de petits blancs toi. Nino, plusieurs fois dans ma vie des sacs à merde m'auraient buté s’ils avaient pu, et ça pour les raisons que tu vois quand tu me regardes. Quand ça t'arrive, tu saisis tout de suite que si tu crois pas à la vie, si t'es pas fier d'être qui tu es et que tu prêtes l'oreille à l'ensemble des connards qui te veulent du mal, et bien t'as vite fait d’arrêter tout. Toi personne au monde veut te voir crever, à part Daesh qui voudrait voir crever tout le monde. Et même entre nous deux c'est moi qu’ils viseraient en premier, alors s'il te plaît arrête un peu la crise existentielle et évite de prendre quatre ans pour une connerie.


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