• Mon Père - Le Goût de Bucarest

    2017-24

    Orhan PAMUK 

    Mon père

    Folio2 de Palas AUCHAN.

    Traduit du turque par Valérie Guy-Aksoy et Gilles Authier

    Paris, Gallimard, 2015

    86 p.

     

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    Le Goût de Bucarest

    Une lecture de circonstance, ce petit livre trouvé à Bucarest.

    Le Goût de Bucarest. Textes choisis et présentés par Sophie Massalovitch.

    Paris, Mercure de France, collection le Petit Mercure. 2010

    131 pages.

    Ce recueil regroupe trois textes : « Mon père », « Regarder par la fenêtre » et « la Valise de mon père ». L'auteur et le je narrateur se confondent : Pamuk parle de lui et nous introduit au coeur de sa vie, de ses émotions, de ses sentiments et de ses pensées.

    Le premier texte d'à peine une dizaine de pages relate l'effet qu'eut sur Pamuk la mort de son père et brosse un premier portrait qui est un bel hommage d'un l'homme séduisant et feu-follet, en insistant sur le rôle primordial qu'a joué ce père dans son choix de l'écriture comme métier.

    Le second texte s'attarde sur l'atmosphère qui régnait dans la maison de son enfance, avec des grands-parents qui vivaient à l'étage au-dessus, des oncles et des tantes présents, et cependant souvent l'ennui : et de regarder par la fenêtre, pour se distraire, rêver.... Il s'attarde davantage sur la part d'ombre de l'homme que fut son père, ses disparitions brusques pour voyage - aller voir ailleurs si j'y suis-, son sentiment de ratage, sa mélancolie lui qui disait souvent : « j'ai l'impression d'être une balle tirée pour rien » (p.17)

    Le troisième texte est celui de la conférence prononcée le jour où il reçut le Nobel de la littérature (7 décembre 2006) et qui, partant de la valise pleine d'écrits que son père lui avait remise peu de temps avant sa mort, livre sa réflexion sur l'écriture, toujours liée à un manque, et plus accessoirement sur la lecture, et affirme son chagrin de l'absence de son père en ce jour, ce père qui lui avait prédit le Nobel, comme on dit en Turquie à un enfant pour l'encourager :

    « Fils, tu seras pacha » (86)

    Des textes sans fioritures ni maniérisme, absolument magnifiques.

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    Citations

    T1

    « J'ai cru comprendre pourquoi, face à la mort, les rites funéraires, prenaient plus d'importance que la mort elle-même. » p.11

    « Quand j'avais dit au chauffeur : « Mon père n'a jamais eu le moindre mouvement de sourcils contre moi, il ne m'a jamais grondé ni donné la moindre claque », j'avais parlé sans trop réfléchir, en omettant de mentionner ce qui est le plus important. Cette entrée en matière quelque peu égoïste était loin de refléter sa foncière gentillesse. Quand j'étais enfant, il regardait avec une sincère admiration chacun de mes dessins ; il examinait chacun des brouillons que je lui soumettais pour avoir son approbation comme s'il était en face d'un chef d'œuvre, il riait du fond du cœur à mes blagues les plus plates et les plus insipides. Sans la confiance qu'il a su me donner, il m'aurait été beaucoup plus difficile de devenir écrivain et de choisir d'en faire une profession. » p.13

    T3

    (…) cette chose que je gardais au fond de moi (…) si je ne la couchais pas sur le papier, elle risquait de s'amplifier et de me causer un immense chagrin» (p.12)

    « Pour moi, être écrivain, c'est découvrir patiemment, au fils des années, la seconde personne, cachée, qui vit en nous, et un monde qui secrète notre seconde vie : l'écriture m'évoque en premier lieu, non pas les romans, la poésie, la tradition littéraire, mais l'homme qui, enfermé dans une chambre, se replie sur lui-même, seul avec les mots, et jette, ce faisant, les fondations d'un nouveau monde. (…) l'acte essentiel de s'assoir à une table et de se plonger en soi-même. Écrire, c'est traduite en mot ce regard intérieur, passer à l'intérieur de soi, et jouir du bonheur d'explorer patiemment et obstinément un monde nouveau. (…) Les mots, pour nous écrivains, sont les pierres dont nous nous bâtissons. (…)

    Pour moi le secret du métier d'écrivain réside non pas dans une inspiration d'origine inconnue mais dans l'obstination et la patience. »p. 65-67

    « Pour moi, être écrivain, c'est appuyer sur les blessures secrètes que nous portons en nous, que nous savons que nous portons en nous – les découvrir patiemment, les connaître, les révéler au grand jour, et faire de ces blessures et de nos douleurs une partie de notre écriture et de notre identité. » p. 77

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    L'ouvrage est une compilation de textes d'écrivains contemporains reconnus, ayant écrits sur Bucarest, comme le veut l'esprit de la collection, le Goût de... Venise, Moscou, du jazz, etc.

    Pour introduire de l'ordre dans ces morceaux choisis, S. Massalovitch divise le recueil en quatre grandes parties : Voir, Vivre, Rêver, Goûter Bucarest, ce qui se révèle une tentative très artificielle, mais permet d'égrener dans les différentes parties des morceaux de texte du même auteur, Paul Morand - qui épousa la fille d'un banquier roumain et connut une capitale légère et gaie- par exemple est cité dans trois parties.

    De Ionesco à Dominique Fernandez, de Mircea Eliade à Claudio Magris, sans oublier les grands noms roumains comme Cioran, Tanase, Adamesteanu, Gheorghiu, chacun nous dit sa haine, son amour, son chagrin, sa passion, sa pitié de cette ville, de ce pays passé de la dictature mégalomaniaque d'un Ceaucescu au pillage de l'économie libérale.

    Malgré les limites du genre, ce livre intéressant pour le voyageur donne surtout des pistes pour des lectures à faire.

    Pas de citation.


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