• Washington Black

    N°371Washington Black

    Esi Edugyan

    Traduit de l’anglais par Michelle Herpe-Voslinsky

    2018, Liana Levi 2019, folio 2020

    471 pages

    Début du XIXe siècle, un enfant, esclave dans une plantation de La Barbade, endure la maltraitance chronique infligée par le maître des lieux jusqu’au jour où il est « prêté » au frère du propriétaire pour lui servir d’assistant dans ses expériences de ballon à l’hydrogène. Il passe d’un monde de cruauté quotidienne, de violence dans lequel les esclaves sont moins que des bêtes, à celui d’un savant original et décalé où la réflexion, la curiosité et l’intelligence gouvernent. Mais les choses se gâtent et ils doivent s’enfuir à bord du dirigeable. C’est le début des péripéties insolites qui le mèneront dans le monde entier et jusqu’à l’âge adulte.

    Washington Black, qui est le nom emblématique donné au jeune esclave, est un roman d’aventure et d’initiation. Le jeune héros apprendra la bonté, la fidélité, le respect, l’amitié et l’amour, tout comme la trahison, la cupidité, la bêtise et la folie. Et il connaîtra la fin de l’esclavage et la liberté, puis le bonheur.

    Esi Edugyan écrit dans un style simple, précis et assez classique. Son récit, raconté par le personnage principal à la première personne du singulier alors qu’il a dix-huit ans, suit l’ordre chronologique ; les personnages sont bien campés ; les ambiances finement décrites avec une attention particulière pour les odeurs ; les actions nombreuses sont bien menées. Esi Edugyan mélange avec légèreté la fresque historique et les aventures personnelles de son héros. Elle regarde l’histoire les yeux grands ouverts, celle de ce XIXe siècle qui voit la fin de l’esclavage mais pas la fin de la souffrance et de la discrimination des Noirs.

    Washington Black est un roman ancré dans la grande tradition du roman d’aventure, de Jules Vernes et de Jack London, teinté d’une vision politique de l’histoire sur le sujet de la ségrégation des Noirs, et de poésie intimiste. Il y règne un souffle épique plein d’optimiste. C’est une lecture facile et divertissante mais intéressante et sans mièvrerie.

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    Éléments biographiques

    Washington BlackEsi Edugyan est née en 1978 à Calgary au Canada, de parents originaires du Ghana. Elle étudie la création littéraire à l'université de Victoria. Elle publie son premier roman en 2004. Elle se consacre depuis à l’écriture. Elle a publié cinq livres.

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    Extraits

    Puis sans un mot de plus, il régla les gaz. Une plus haute colonne de feu s’engouffra dans le ballon, et le tissu se mit à frémir, à trembler. Les secousses étaient terribles. Mes dents claquaient dans mon crâne. Je fixai, terrifié et fasciné, la large bouche noire qui aspirait le feu.

    Une puanteur d’huile brûlée se répandait dans l’air. Finalement, Titch se pencha et trancha les cordes l’une après l’autre. Tout autour de moi j’entendais le sifflement de la nacelle d’osier traînée dans l’herbe, un terrible son décisif.

    Dans la demi-obscurité, je distinguais à peine le visage de Titch, on ne voyait pas ses yeux, seules ses dents blanches étaient visibles. Je sentais mon ventre se relâcher ; j’agrippai les rames, terrorisé. L’air autour de nous se mit à hurler, le ciel à venir à notre rencontre. Nous nous élevions.

    J’ai peine à décrire ce que je voyais. Le ciel menaçant plus bas, une large fente rouge de lumière, comme un œil monstrueux qui vient de s’ouvrir. Là où nous étions il faisait encore nuit, mais le vent nous entraînait déjà vers la mer. Je voyais les champs où la canne avait été en partie coupée, les cicatrices blanches de la récolte qui luisaient comme une raie dans une chevelure de femme.

    Comment expliquer ce que je ressentais ? Que ressentirait toute personne à ma place ? L’angoisse et la surprise me serraient la poitrine, mon étonnement était sans fin, et j’avais du mal à retrouver mon souffle. Le Fendeur-de-nuages tournait sur lui-même, de plus en plus vite, s’élevant de plus en plus haut. Je me mis à pleurer – des sanglots profonds, déchirants, le visage détourné de Titch, les yeux sur l’infinitude du monde. L’air se refroidissait, glissait sur ma peau. Tout n’était qu’ombre et lumière, tempête de feu et frénésie. Et nous au centre nous montions, miraculeusement indemnes.


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