• Tristano meurt

    2018-45

    Tristano meurtChemin : livre vu dans un kiosque de gare et acheté pour affiner ma perception d'un auteur dont le Nocturne indien (CR 2018-9) ne m'avait pas réellement plu et le Pour Isabel (cr 82) agacée. Mais un Italien, ayant vécu au Portugal, méritait un certain acharnement.

    TABUCCHI Antonio

    Tristano meurt

    Traduit de l'italien par Bernard Comment

     (2004), Gallimard 2004, Folio 2006

    261 pages

    Tabucchi donne la parole à Tristano, le je narrateur, un ancien résistant dont les jours sont comptés, car il est rongé par la gangrène. Il a fait venir à son chevet un écrivain qui, pour avoir écrit quatre-vingts pages sur un fait de son épopée résistante, a obtenu une certaine notoriété, et cela, afin qu'il l'écoute, prenne des notes et s'en serve ensuite.

    Le narrateur ne quitte pas le lit, installé dans la pièce la plus fraîche d'une vieille demeure, tenue par une dame qui fut sa répétitrice quand il était jeune, et qu'il appelle tantôt Renate, tantôt la Frau, car elle est d'origine allemande. En ce mois d'août caniculaire – mais tout ce qui est important dans la vie de Tristano s'est passé au mois d'août, et il mourra avant le 31 – l'écrivain loge chez lui et il l'appelle avec une sonnette, entre deux sommeils, deux céphalées, lors d'un répit provoqué par les piqûres de morphine. Il s'adresse à l'écrivain, développe parfois certaines réflexions, mais surtout il lui conte par fragments, au gré de ses souvenirs, de ses rêves, les temps forts de son passé, liés à la résistance certes, mais surtout à des êtres qu'il a aimés : son grand-père qui l'a élevé, initié à l'astronomie et au jazz, deux femmes aimées dont l'une est grecque et s'appelle tantôt Daphné, tantôt Mavri Elia et la seconde américaine, répondant au nom de Marilyn, Guagliona ou encore Rosamunda, ainsi qu'un enfant que lui a confié son amoureuse américaine.

    Tout est fait dans ce « bric-à-brac » (176) pour qu'on s'y perde : ce narrateur dans les vapeurs de l'été et de la morphine donne à la prose poétique de l'auteur une grande liberté, puisque dès le départ l'absence de cohérence est annoncée et revendiquée comme une supériorité, comme ce qui permettrait le dévoilement, le resurgissement de choses enfouies. Ce refus – des plus banals dans la littérature contemporaine, déjà Gide, etc. – de la linéarité, de la chronologie est la marque de fabrique de Tabucchi – dans les trois ouvrages cités du moins. Il le dispense de tout effort pour camper un personnage, pour mener un récit, et le libère du difficile exercice que sont les transitions, On peut considérer cela comme une « facilité », car dans l'écriture comme dans la vie, les transitions, les passages sont toujours les moments les plus difficiles. Certes, il y a de bonnes choses, de beaux passages, bien rythmés, qui emportent ; Tabucchi a un grand sens des formules – et des titres.  Mais pour les adeptes du « il était une fois... », c'est irritant.

    Citation

    « (…) et puis les rêves ça ne s'enregistre pas, on doit les écouter et ensuite les écrire, il te faut seulement écouter, ouvre bien tes oreilles et puis tu réécriras mon rêve, c'est le fondement de la littérature, raconter le rêve d'un autre, je suis certain que tu y réussiras très bien, tu y mettras de l'imagination, et je te laisse aussi le point de vue... (…) À bien y réfléchir le point de vue appartient au rêve (…) » p. 196-197


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