• Taqawan

    N°342Taqawan

    Éric Plamondon

    2017, Quidam Éditeur 2018, Le livre de Poche 2019

    211 pages

    1981, un conflit oppose une communauté indienne mi’gmaq au gouvernement québécois à cause d’un problème concernant les droits de pêche au saumon. La répression est violente. Une jeune indienne est attrapée et violée par des policiers. Elle trouve refuge chez un garde-chasse …

    À partir de cette trame digne d’un roman noir, É. Plamondon écrit un livre multiface qui s’intéresse autant à ses personnages qu’aux coutumes indiennes, aux problèmes politique entre le Canada et le Québec, aux relations complexes entre les indiens et les blancs, aux lois qui régissent les réserves indiennes ou au saumon et à son environnement. En effet, la situation est complexe à cause des juridictions fédérales et québécoises qui s’entremêlent et se contredisent, activant ainsi des tensions qui existent déjà entre les pêcheurs indiens qui pêchent le saumon pour se nourrir et les pêcheurs de loisirs, souvent en provenance des USA voisins ou les pêcheurs professionnels qui écument les mers. Le saumon, nommé Taqawan par les Mi’gmaq à l’âge où il remonte les rivières, devient le symbole de la ségrégation des indiens canadiens, sujet moins connu que celle des indiens des Etats-Unis bien qu’également tragique. Dans ce sens, É. Plamondon rejoint Joseph Boyden dans Le Chemin des Âmes ou Les Saisons de la solitude (une semaine un livre n°82) ou Richard Wagamese dans Jeu blanc (une semaine un livre n°297) à la différence qu’il est francophone et n’est pas d’origine indienne.

    É. Plamondon possède un style particulier et original. Il procède par petites touches – les chapitres font entre une demie-page et quelques pages –, il fait progresser le récit entre des digressions poétiques ou didactiques sur les sujets abordés, des articles de loi à la biologie des espèces en passant par des recettes de cuisine, qui forment un tout cohérent, une sorte de patchwork d’informations qui apporte une telle richesse à la lecture qu’on ne sait plus si c’est ce tableau de la cause indienne ou l’intrigue à suspens qui est le prétexte de l’autre…

    Taqawan est un livre passionnant, dense et riche, qui éclaire sur la condition indienne au Québec, autant qu’il instruit sur l’écologie du saumon et qu’il divertit grâce à une intrigue à suspens bien menée.

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    Eléments biographiques :

    TaqawanÉric Plamondon est né au Québec en 1969. Après des études de communication et d’économie, il fait une maîtrise sur les rapports entre la science et la littérature dans l’œuvre Herman Melville, Moby Dick. Depuis 1996, il vit près de Bordeaux. Il publie un premier roman en 2011. Il a publié six romans.

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    Extraits :

    Elle monte dans le bus et s'assoit, colle son front chaud contre la vitre fraîche. Dans son silence elle ignore les cris, les rires, et la bousculade de ceux qui s'engouffrent dans l'allée pour se caler sur les bancs deux par deux jusqu’au fond. Le moteur tourne, c'est un autobus jaune Blue Bird. Il roule vers le pont. C'est jeudi. C'est bientôt la fin de l'année scolaire. On est le 11 juin. C'est son anniversaire. Elle a quinze ans aujourd'hui. Elle n'en a parlé à personne. Sa mère s'en souviendra peut-être ce soir à table si elle n'a pas trop bu. Y aura-t-il un gâteau ?

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    Le saumon est un poisson fascinant. Comment peut-il sauter si haut ? Comment fait-il pour remonter des chutes aussi vertigineuses ? Sa force, son allure et son goût lui ont valu le titre de roi des poissons. Il y a deux mille ans Pline écrivait déjà : « Le saumon des rivières est mieux que tous les poissons de la mer. » Les Latins le nomme salmo. Il y a plusieurs espèces de saumon. Il faut attendre le dix-huitième siècle pour que Linné baptise le saumon de l'Atlantique du nom de salmo salar. Il existe en variété americanus et europaeus. Il ne faut pas le confondre avec son cousin du Pacifique, dont le nom scientifique est Oncorhynchus.

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    Quelques jours après sa démission, Leclerc avait croisé un collègue qui l'avait mis au courant de la prochaine descente. En pleine crise, le ministre n'avait pas eu de meilleure idée que de renvoyer la police dans la réserve. Les Mi’gmaq avaient supposément remis leurs filets à l'eau. Puis il y avait eu les barricades. Le ressac de la vague d'indignation avait attiré tous les activistes de la cause amérindienne dans la baie des Chaleurs. Le gouvernement québécois avait joué la carte de l'intimidation et la stratégie était en train de se retourner contre lui. Tout ce que le pays comptait d'organisations des droits de la personne avait les yeux tournés vers la province francophone du Canada.

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    Devant le refus de négocier du conseil de bande de Restigouche, le gouvernement du Québec a décidé d'imposer aux Micmacs de cette réserve d'importantes restrictions quant à la pêche au saumon. M. Ronald Mahoney, administrateur du conseil de bande, déclare : «De notre point de vue, le Québec n'a aucune juridiction sur cette question puisqu'il s'agit de lois fédérales. Nous n'avons donc pas à nous soucier du permis de pêche qu’il nous a octroyé et nous continuerons de pêcher suivant les lois fédérales et celles de la réserve. »

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    Une plus tard après, avoir roulé les deux cadavres dans une couverture, après les avoir ligotés et tirés l'un après l'autre jusqu’à leur pick-up, Leclerc revient à la cabane. William lui dit que la jeune fille s'appelle Océane. Elle n'a pas tout dit pour l'instant, elle a une forte fièvre. Ils vont devoir rester ici avec elle un moment. Elle a besoin de repos. Pour ce qui est des deux corps, il faudra remettre le noyé à l'eau pour que ça ressemble à un accident. Celui qui a reçu la hache, mieux vaudrait qu'il disparaisse.

     


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