• Samarcande

    2018-29

    Amin MAALOUF

    SAMARCANDE

    Lattès 1988, Le Livre de Poche 1989

    312 pages

    Amin Maalouf donne avec Samarcande un roman historique, genre qui est sa marque de fabrique.

    La première partie se situe aux Xème et XIème siècles et prend pour personnage principal le savant Omar Kayyam (mathématicien et astronome, 1048-1131), que Maalouf fait entrer immédiatement en scène, dans la ville de Samarcande, où un fanatique religieux l'agresse et le dénonce comme libre penseur et consommateur de vin. Maalouf fait du poète un homme juste, modéré et miséricordieux, obligé d'écrire ses poèmes les plus intimes sur un livre qu'il garde secret et qui lui est finalement dérobé par le chef de la secte des Assassins. C'est ce manuscrit qui fait le lien avec la seconde partie, qui elle se passe à la fin du XIXème siècle et au début du XXème. Un jeune américain d'Annapolis d'origine française, Benjamin Omar Lesage, rencontre à Paris Henri Rochefort, un cousin, qui lui révèle l'existence du manuscrit secret. Or, s'il porte en second nom celui du poète, c'est parce que ses parents se sont rencontrés dans la même ferveur admiratrice de ses vers, qu'une traduction anglaise (1859), puis une traduction française (1867) avaient mis à la disposition des lecteurs cultivés d'Europe. Le jeune Lesage embarque donc pour Constantinople en direction de la Perse où il fait un premier séjour, avant de revenir à Annapolis. Douze ans plus tard, il retourne en Perse, toujours à la recherche du manuscrit, au moment de la promulgation de la première Constitution.

    Aventures multiples – voyages, guerres, intrigues, complots, assassinats, bannissements, etc... – amitiés fidèles et amours passionnés – Djahane pour Kayyam, Chirine pour Lesage – s'imbriquent dans un récit grouillant de personnages bien campés qui mêle la vérité historique et la fiction, pour tenter de décrypter un pays haut en couleur. Maalouf, conteur né, est aussi un homme de réflexion et de vérité qui tord le cou à la légende de la secte des Assassins (qui ne fumaient pas de haschich) et qui, dans la deuxième partie, souligne admirablement le rôle néfaste des puissances occidentales, Russie et Grande-Bretagne en tête qui, déjà au début du XXème siècle, sacrifièrent les aspirations d'un peuple à leur intérêt en soutenant l'obscurantisme et la prédation d'une élite.

    Et l'histoire continue...

    Citation

    « Depuis que Shuster est ici, me confia un jour Chihine, il y a dans l'atmosphère quelque chose de plus sain, de plus propre. Devant une situation chaotique, inextricable, on s'imagine toujours qu'il faut des siècles pour s'en sortir. Soudain, un homme apparaît, et comme par enchantement l'arbre que l'on croyait condamné reverdit, il recommence à prodiguer feuilles, fruits et ombre. Cet étranger m'a redonné la foi dans les hommes de mon pays. Il ne leur parle pas comme à des indigènes, il ne respecte pas susceptibilités et mesquineries, il leur parle comme à des hommes et les indigènes se redécouvrent homme. Sais-tu que dans ma propre famille, les vieilles femmes prient pour lui. » p. 293

    NDLR Shuster (1877-1960) était un avocat américain chargé par le premier parlement iranien de redresser les finances d'un pays, mis à sac par les légations étrangères qui imposèrent un système de concessions. De mai à décembre 1911, il remplit sa mission. Trop bien ! Il écrivit un livre Strangling of Persia (1912). 


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