• Le Soleil des rebelles

    N°338Le Soleil des rebelles

    Luca Di Fulvio

    Il Bambino che trovo il sole di notte

    Traduit de l'italien par François Brun

    2015, Slatkine & Cie 2018, Pocket 2019

    830 pages

    Dans un village de montagne du sud des Alpes, entre l’Autriche et l’Italie, règne un seigneur local. Un jour, son château est attaqué par des bandits à la solde d’un seigneur voisin. Toute la famille est assassinée sauf le jeune fils qui réussit à se cacher et est recueilli par une villageoise.

    L’histoire se passe au début du XVème siècle, période particulièrement troublée au niveau politique, pendant laquelle la loi du plus fort prévaut, surtout dans les contrées éloignées de l’Empire de Bohême. Le personnage principal, le jeune garçon rescapé du massacre, sera éduqué secrètement mais pourra-t-il revenir un jour sur le trône ? Il rencontrera un vieil ermite et une bande de rebelles qui tentent de lutter contre la tyrannie du prince local. Il tombera amoureux de la fille de la villageoise et luttera pour son peuple.

    Le soleil des rebelles est un roman d’aventure et d’initiation. On y retrouve les principes, et les ficelles, des Chevaliers de la Table ronde ou de Robin des Bois autant que ceux de la Guerre des étoiles. Arthur, Merlin, Petit Jean, Marianne, le shérif de Nottingham, Ivanhoé, Luke Skywalker, Maître Yoda et Dark Vador, ne sont pas loin ! Les méchants sont méchants et les gentils gagnent même s’ils passent de mauvais moments. L’amour et le courage triomphent, les vilains sont punis.

    Comme dans Les Enfants de Venise (une semaine un livre n°333), L. Di Fulvio s’avère être un maître du roman d’aventure. Il maintient le suspense, dépeint ses personnages avec détails et humanité, garde sa ligne romanesque sans excès de bons sentiments et ne se laisse jamais dépasser par du romantisme ou de l’emphase. Le style est simple, l’intrigue bien menée, les rebondissements nombreux et souvent inattendus. L’époque est bien documentée, les évènements politiques décrits sont pertinents. Mais contrairement au cycle arthurien de Michel Rio (une semaine un livre n°312) ou aux romans historiques de Dianne Meur (La Vie de Mardochée de Löwenfels, écrite par lui-même, une semaine un livre n°123), les romans de L. Di Fulvio n’ont pas de visée philosophique.

    Le Soleil des rebelles est une lecture facile, sans prétention mais intelligente et divertissante.

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    Eléments biographiques :

    Le Soleil des rebellesLuca Di Fulvio est né en 1957 à Rome. Il fait d’abord du théâtre et crée sa propre compagnie. Il travaille, entre autres, avec Paola Bourbons, Andrzej Wajda et Julian Beck. En 1996, il publie un premier roman, mais c’est en 2008 qu’il connait du succès avec la parution du Gang des rêves. Il a publié 10 livres dont 6 sont traduits en français.

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    Extraits :

    Tout se passa très vite. Les bandits attaquaient tout le monde, sans pitié. La grosse cuisinière, frappée dans le dos, tomba avant d'atteindre l'entrée du château. Les deux servantes aussi, l'une transpercée par une épée, l'autre piétinée par les chevaux. Les lavandières trempèrent de leur sang les draps à peine lavés et s’y enroulèrent comme dans un suaire. Les palefreniers moururent en renversant sur eux leurs pelles de fumier. Puis Marcus, le souffle coupé vit une épée s'abattre sur le maréchal-ferrant, et d'un coup de fendant lui trancher le bras droit à hauteur de l'épaule. Le bras tomba au sol, serrant encore dans sa main le lourd maillet. Puis le bandit, dans un grand rire fendit la tête du maréchal- ferrant d'un coup de hache.

    « Eilika… » murmura l'enfant en s'agrippant aux pierres de l'ouverture.

    Comme si elle l'avait entendu, la gouvernante se mit à courir au hasard dans la cour en lançant des cris aussi affolés que ceux des bêtes, qui avaient renversé les barrières de leurs enclos : « Marcus ! Reste caché, Marcus ! Mar… »

    L'enfant vit alors Eilika presque soulevée de terre, et la pointe d'une épée ressortit par sa poitrine. Ses yeux roulèrent, écarquillés de surprise. Sa bouche, à présent muette, s'ouvrait et se fermait sans plus pouvoir articuler le nom de son petit prince. Du haut de son cheval, le bandit posa un pied sur l'épaule d’Eilika et poussa pour extraire son épée. Elle resta debout un instant puis tomba face dans la neige et ne bougea plus.

    L'enfant n'arrivait pas à détacher son regard d'elle. Les chèvres de l'enclos se regroupèrent alors contre le mur d'enceinte et, l'odeur du sang dans les narines, se mirent à bêler de terreur, bloquant son champ de vision.

    Lorsqu'elles s'écartèrent, Marcus vit beaucoup de corps par terre. Hommes femmes et enfants. Le confesseur, sa soutane relevée de manière obscène. Le maître de musique avec la bouche grande ouverte comme s'il s’apprêtait à chanter.

    Soudain il reconnut son père, debout et brandissant sa grande épée, qui tranchait les jarrets d'un cheval et, avant même que l'animal ne s'écroule, ouvrait d'un coup terrible la gorge de son cavalier. Le capitaine des gardes se battait à ses côtés. Ils étaient les deux derniers. Bientôt cinq bandits étaient morts, mais le capitaine aussi.

    « Tu vivras dans le sang, comme moi et comme tous nos ancêtres. C'est notre destin, notre fatalité », lui avait dit son père peu de temps auparavant.

    .....

    Raphael resta silencieux. Puis, alors qu’ils étaient déjà couchés, il lui dit : « Tu sais quel est le plus grand danger des mensonges ? »

    Mikael, étendu sur sa couche, rougit de honte.

    « Le plus grand danger, c’est que celui qui les dit pourrait finir par y croire », continua le vieux, et dans sa bouche il n’y avait pas une once de reproche. « Parce qu’alors il n’a plus de vie. »

    Mikael se dit qu’il n’aurait plus le courage, le lendemain, de regarder Raphael en face. Ses yeux s’emplirent de larmes.

    « À l’intérieur de toi il y a plein d’histoires », dit alors le vieil homme. Et sa voix était pleine de chaleur et d’affection. « Plus que tu ne peux imaginer. Mais tu dois trancher les fils de la peur, je te l’ai déjà dit. Le chien qui a peur mordra la main qui le nourrit, sans être méchant pour autant. Le lapin dont la peur est plus grande que celle que la nature destine à son espèce se jettera dans la gueule du loup même s’il est plus rapide. L’aigle qui a peur de ne pas trouver de proie ne la verrait même pas si elle se glissait dans son lit.

    - Mais alors…Qu’est-ce que je dois faire ? dit Mikael d’une toute petite voix.

    Il y eut un long silence.


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