• Le murmure des oliviers

    N°351

    Giuseppe BonaviriLe murmure des oliviers

    Traduit de l’italien par Jacqueline Blancourt-Herselin

    1975, Verdier 1990, Verdier Poche 2008

    109 pages

    Sur les terres arides de Sicile, les paysans peinent à faire vivre leurs familles, mais les années passent, certaines fertiles, d’autres plus dures quand la sécheresse fait venir la misère ou quand la guerre rôde au loin.

    A travers la vie d’un paysan et de sa famille, Giuseppe Bonaviri propose une peinture de la vie difficile dans les montagnes isolées du centre de la Sicile, là où les bruits de la civilisation parviennent avec retard, où la vie semble plus ancrée dans le XIXème siècle que dans le milieu du XXème, cadre du récit. La misère n’est jamais bien loin, la maladie souvent fatale, les injustices perdurent avec le système de fermage ancestral, mais la nature est là, belle et forte. Quand la guerre passe, à part quelques jeunes qui partent et qu’on ne revoit plus, la vie suit son cours, seulement troublé par un bruit de fond au loin et la tension des propriétaires inquiets. Le quotidien des fermiers de ces terres arides, c’est récolter les olives et nettoyer leurs champs où poussent mieux les cailloux que le blé. C’est aussi les enfants qui grandissent, les jeunes qui s’aiment et les anciens qui partent.

    Avec Le murmure des oliviers, Giuseppe Bonaviri parle de sa terre natale, avec les mots qui lui conviennent. Son style est sec comme le paysage, tout empreint d’une poésie solide. Il alterne les descriptions avec des parties dialoguées écrites parfois comme du théâtre allant jusqu’à encadrer parfois ces dialogues de didascalies, apportant ainsi une distanciation particulière.

    Entre document et roman, entre naturalisme et poésie, donnant vie aux choses, aux plantes et aux animaux autant qu’aux hommes et aux femmes, ce récit fait penser aux films des frères Taviani, en particulier le célèbre Padre Padrone, palme d’or à Cannes en 1977, ou au non moins connu film de Francesco Rosi, Le Christ s'est arrêté à Eboli (1979) adapté du roman de Carlo Levi (1945), dans lesquels l’environnement sec et dur sert d’écrin aux drames des hommes. Ce roman de Giuseppe Bonaviri est inscrit dans son époque et ancré dans la tradition littéraire italienne que l’on retrouve chez Mario Rigoni Stern ou Erri de Luca.

    .....

    Éléments biographiques :

    Le murmure des oliviersGiuseppe Bonaviri est né en 1924 à Mineo en Sicile et mort en 2009 près de Rome. Après des études de médecine à l’université de Catane, il devient médecin, spécialiste en cardiologie, à Frosinone, au sud de Rome. Parallèlement à sa carrière médicale, il écrit, des poèmes depuis son plus jeune âge, et un premier roman en 1954. Il a publié 39 livres dont 15 ont été traduits en français.

    Extrait :

    Ils étaient tous en rang, droits, parmi les buissons de dis* qui les cachaient en partie. Ils scrutaient anxieusement l'horizon et suivaient la progression du nuage blanc et cotonneux. En moins d'une demi-heure, le nuage fut au-dessus d'eux, compact et régulier, et il semblait diffuser autour de lui une légère vibration sonore.

    Le nuage, en commençant à s'ouvrir : J'ai gros cœur, pauvres paysans. Mais je n'ai vraiment pas d'eau. Je viens d'une vallée où il y avait beaucoup de poussière et peu d'humidité. Pauvres paysans. J'ai gros cœur.

    Compère Iano : Il commence à se défaire, vous ne voyez pas ?

    Massaro Angelo : L'horizon aussi s'éclaircit.

    En effet, çà et là, apparaissaient de larges lambeaux d'un ciel brillant et pur, formant comme un grand dessin orné d'arabesques, en même temps que de petits nuages se détachaient et naviguaient de-ci de-là, puis disparaissaient aussitôt.

    Ciccio Casaccio : Ce sera une mauvaise année !

    Antonio : Une mauvaise année !

    Compère Iano, le visage sombre : Une mauvaise année !

    Massaro Michele, le Grammichélien : Une mauvaise année !

    Les femmes étaient assises dans une clairière sableuse entourée par des touffes de dis poussiéreux, et Rosa, la première, s'était mise à pleurer. La vieille pleurait doucement, et la signora Maria Casaccio pleurait aussi, les mains sur les yeux, tandis que le soleil tapait sur son dos courbé. Les hommes, désolés et désemparés, regardaient la plaine de Mineo, aride, les monts de Caltagirone et leurs terres desséchées où couraient les ombres de petits nuages.

    Cette année-là, la pluie arriva à la mi-novembre, quand les terres avaient été labourées et que les sillons de la plaine de Camúti, secs et jaunes, se succédaient en longues lignes égales et monotones. C’était une pluie fine, tenace, qui tombait d'un ciel noir et lourd. Massaro Angelo se tenait sur la porte de sa masure, avec sa famille, et il attendait qu'il cesse de pleuvoir pour commencer à semer. Le blé était là, dans la remise où l'on gardait la paille, bien enfermé dans les sacs. Dans la campagne, à perte de vue, on ne voyait personne, seulement les oliviers avec leurs grandes ombrelles de branches recourbées sous la pluie qui tombait. On ne voyait même plus compère Iano, qui restait enfermé dans sa masure, à penser à ses affaires et au blé dont on ne savait quand il pousserait. Massaro Angelo soupirait et disait, en s'adressant à la pluie : « Ce sera quand même une mauvaise année. Une mauvaise année. »

    *grande graminée d’Afrique poussant sur les coteaux arides de Sicile

     


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