• Jérusalem Histoire d'une ville monde

    2018-10

    Jérusalem Histoire d'une ville mondeSous la direction de Vincent LEMIRE, avec Karell BERTHELOT, Julien LOISEAU et Yann POTIN

    Jérusalem. Histoire d'une ville monde 

    Flammarion, Champs histoire, 2016

    535 pages. 

         Les auteurs tentent de faire une histoire de Jérusalem qui soit autonome des récits religieux, qu'ils soient juifs, chrétiens ou musulmans, tous procédant en effet d'une réécriture mémorielle falsifiant - quand ils ne les éliminent pas totalement - les faits historiques pour réaffirmer des identités « éternelles », des conflits « perpétuels » et des communautés « immuables » (10-11). Cela ne s'avère pas une entreprise facile tant les sources fiables sont rares.

          In situ, le plus ancien document écrit retrouvé est une tablette akkadienne (Royaume d'Akkad XXIVème à XXIIème siècle av. J.-C.). Le nom de Jérusalem lui-même est documenté dès le XIXème siècle av. J.-C. : il apparaît sur une figurine égyptienne sous la forme de Rushalimum. On le retrouve au XIVème siècle av. JC, sous la forme de Urushalim, sur certaines des tablettes d'argile découvertes à partir de 1887 à Armana, lieu où furent conservées les archives du roi Akhenaton (pionnier du monothéisme repris par Moïse - cf Freud), de son père et de ses successeurs. Il s'agit de la correspondance qu'Abdi-Heda, alors roi, chef ou gouverneur hurrite de Urushalim envoya à Akhenaton, dont il était le vassal. En effet, à cette époque, l'Égypte était le grand empire qui dominait le Moyen-Orient, et en particulier la région de Canaan qui correspondait à Israël, aux Territoires palestiniens, à l'ouest de la Jordanie et de la Syrie, et au Liban. Ce n'est qu'au Xème siècle av. J.-C. que commence dans la cité le règne supposé de David et Salomon, selon la chronologie biblique. À partir de la fin du VIIIème siècle av. J.-C., la ville passera sous la domination des Assyriens, des Babyloniens, des Perses, des Grecs, avec des reprises en main par les Juifs. C'est d'ailleurs sous la dépendance de Rome qu'Hérode (73 av. J.-C.- 4 après), le bâtisseur, donna à la ville un rayonnement inconnu jusqu'alors. Cette période de splendeur fut suivie de la conquête de la ville par Titus, de la destruction du temple (70), de l'établissement d'une colonie romaine par Hadrien qui en interdira l'accès aux Juifs. La conversion au christianisme de l'Empereur Constantin en 312 fera de la ville un « reliquaire » chrétien au sein duquel survivront, de manière inégale selon les périodes, les traditions juives. La prise de la ville par les Perses en 614 est le début d'une période instable qui précéda la conquête arabe (636-638).

          Du VIIème siècle au XXème siècle, mis à part la période où la ville fut la capitale du Royaume Franc (1099-1187), Jérusalem fut sous dépendance musulmane (omeyade, abbasside, ayyoubide, turque,) et son histoire est riche en fluctuations. Cependant, les chefs des différents empires s'appuyaient généralement sur la communauté locale la plus représentative pour administrer la cité, les Turcs seljoukides confièrent par exemple le gouvernement de la ville à un chrétien en 1092. À la fin du XIXème siècle, la fiscalité s'appuyaient davantage sur les différences de classes que sur les différences de communautés. Cette époque vit aussi une véritable municipalisation des pouvoirs urbains, qui se distingua par la construction de la Tour de l'Horloge à Porte de Jaffa (1907), monument temporel emblématique de cette volonté ottomane d'autonomiser la ville de l'emprise religieuse. La Grande Guerre, qui vit les Ottomans alliés aux vaincus, balaya tout cela, et ce fut dès 1920, la Palestine mandataire, sous l'autorité des Britanniques, selon les accords Sykes-Picot (1916) et la recrudescence des conflits confessionnels : un des premiers actes des Britanniques fut la destruction de la Tour de l'Horloge, jugée trop « laïque » sans doute. Signalons un point que les auteurs omettent : c'est aussi en 1920 que se constitua à Jérusalem la branche armée du sionisme, et l'Irgoun, née en 1931 d'une scission, fut le fer de lance de l'occupation de la Palestine et le berceau de la droite colonisatrice, bien avant 1947.

          On sait où nous en sommes aujourd'hui...

          Le livre est une mine de faits présentés avec une grande prudence, de la façon la plus neutre possible et présente une chronologie qui permet de suivre siècle après siècle l'évolution de la cité.

    .....

    Extrait

          « On ne peut donc faire une histoire de la ville et de ses imaginaires sans considérer ce vaste cimetière collectif qu'elle représente depuis des siècles pour des millions de croyants à travers le monde. (…)

          Au gré des luttes territoriales et des espoirs politiques, la mémoire des morts et l'histoire des vivants se dévorent l'une et l'autre. Toujours plus nombreux à Jérusalem, les morts pourront-ils accepter de laisser la place aux vivants, pour les laisser écrire le nouveau chapitre d'une histoire partagée. » p. 431-33


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